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PATRIMOINES CACHÉS - trois moments, une surprise
Récit de la promenade organisée par l'ASEPA à l'occasion de la journée du patrimoine de pays -19 juin 2011
Les polissoirs de la forêt de Villemanoche (Yonne)
au lieu-dit "Galla"
A l’aube de ce dimanche pluvieux, quelques courageux encapuchonnés, sortis un peu trop tôt du sommeil, attendent sur la place de l’église, une place vide, silencieuse, hors du temps…L'église, lourde de ses murs de grès sortis tout droit de la forêt proche, nous rappelle qu'il est juste neuf heures.
Déjà Pierre Glaizal piaffe d’impatience,
le ciel menace,
la forêt nous attend, mouillée, et un peu inquiétante…Très vite on rencontre des grès de toutes tailles, patrimoine minéral
posé là depuis des millénaires sous le vert sombre des moussesPierre Glaizal nous entraîne vers les rochers les plus suggestifs et suffisamment plats pour porter les traces des hommes du néolithique dont il évoque la vie. Certains ont vécu là, dans cette partie de la forêt, proche de la rivière.
(Quelques lutins farceurs apparaissent au milieu des fougères et y apportent un peu de légèreté)
Des discussions naissent autour de ces témoins d'une époque mal connue...: s'agit-il de polissoirs ou de marquages de territoire et, dans ce cas, à quelles fins ? Les archéologues du futur répondront peut-être à ces questions.
La chapelle isolée de Notre Dame de Champrond
C'est une chapelle perdue dans les champs de blé, abritée du vent et des regards par une minuscule forêt. On y accède par un improbable chemin de terre. Au loin une ancienne ferme, dont les propriétaires ont su conserver et mettre en valeur le matériau de construction traditionnel de la région qui est la craie (1)
Au cours du repas organisé à l'abri du vent Pierre Glaizal nous conte la légende qui dit l'origine de cette chapelle, détruite pendant les guerres de religion, reconstruite en 1656 avec les matériaux d'origine et restaurée en 1894.
Il s'agirait d'un site religieux très ancien et les pélerinages (autrefois deux par an) n'ont jamais cessé de s'y dérouler, les fidèles venant de Vinneuf mais aussi de tous les villages voisins.
Actuellement, le lundi de Pentecôte, un nombre important de fidèles y suivent encore une messe et on peut y voir quelques anges en aube blanche...
Une belle vierge de bois (XVIIe siècle) est sortie chaque année, pour l'occasion, de son refuge tenu secret.
Isoline, conteuse de l'association Dorémicontes a terminé la visite en contant dans la chapelle, une jolie légende de N.D de Champrond.
Note de Pierre Glaizal à propos de l'origine du nom "Champrond"
Il y a dans tout le nord de la France une multitude de toponymes frontaliers de communes, dont les frontières elles-mêmes sont héritées à 90 % de celles de très anciennes paroisses, où revient l'adjectif "rond". Tels sont les "Bois rond", "Pièce ronde","Fosse ronde", "Charme Rond", "Chêne Rond", et notre Champ Rond, limitrophe de 4 communes : Vinneuf, Courlon, Bazoches-les-Bray et Balloy. Il faut sans doute chercher le sens de ces ronds ailleurs que dans la forme circulaire. C’est à l’historien et archéologue de Montluçon Maurice Piboule(2) que j’emprunte l’hypothèse suivante : nous avons affaire selon toute vraisemblance à des toponymes fort anciens, hérités d’un mot depuis longtemps camouflé sous les dérivés français du latin rotundus (rond) : le mot gaulois randa, signifiant frontière, limite (3), qui a donné de nombreux toponymes du type Guérande, Aigurande, Ingrandes etcAinsi, Champ Rond désigne probablement un lieu où se réunissaient à très haute époque (mérovingienne ou même avant) les populations de communautés paysannes de la Bassée d'une part, et de la basse vallée de l'Yonne d'autre part. Ceci caractérise, non pas une forteresse dont la situation en ce lieu n'aurait guère eu de sens, mais plutôt un sanctuaire gaulois de frontière, devenu plus tard lieu de pèlerinage chrétien.Le lavoir de Serbonnes
Le petit chemin qui y conduit, ancien mais bien dégagé, n'est indiqué sur aucune carte et rien ne le signale non plus sur le terrain. Seuls les serbonnois le connaissent ! Pour les curieux qui s'y engagent, la découverte tient du mirage !
A l’origine coule une source très abondante sur un lieudit « les fontaines » où les femmes du village venaient laver le linge bien avant la construction du lavoir.
Celui-ci fut construit en 1886 : "son toit de tôle, porté par de minces colonnettes de fonte, abrite un long bassin octogonal dont on fait aisément le tour sur de larges dalles de grès"(2). S’inspirant des dernières techniques d e l’architecture du fer du XIXe siècle, il est très éloigné des constructions des lavoirs de la région qui utilisaient, comme pour l’ habitat, craies, silex et briques, tuiles pour le toit, bois pour la charpente.
Plusieurs projets avaient été proposés au Conseil municipal qui, après maintes délibérations, choisit celui d'un architecte de Saint-Maur-des-Fossés, M. Pilot. Les travaux réalisés par un entrepreneur de Paris, furent réceptionnés le 23 mai 1886.(3)
La source qui l'alimente pousuit son chemin à travers le bassin, puis les cressons, jusqu'à la rivière Yonne.
A voir l'album du lavoir de Serbonnes
Le platane inattendu
Dans le programme de la journée ne figurait pas "d'arbre remarquable". Bien dissimulé dans les broussailles humides du ruisseau, l'Arbre vivait sa vie tranquille de platane séculaire. C'est l'oeil exercé de Jean-Paul Brulé qui l'a débusqué . Il est si gros qu'il a fallu quatre personnes pour le ceinturer !
Ses mensurations prises à un mètre du sol : circonférence 5 mètres 50, diamètre moyen 1 mètre 75.
Il va pouvoir rejoindre la communauté des arbres remarquables de la région
A voir les 3 films de cette journée → j'y vais
(1) On sait que, dans le sous-sol de cette immense plaine de Champagne crayeuse, devenue riche terre à blé depuis que les engrais y ont été largement déversés, existe une couche de craie formée au secondaire qui peut atteindre de 200 à 600 mètres d'épaisseur.:une histoire de la craie sénonaise
(2) Maurice Piboule, Le bassin montluçonnais, dits et non dits, Montluçon, Frank Deschamps imprimeur, 2005, p. 251-252.
(3) Jean-Paul Savignac, Dictionnaire français-gaulois, La Différence, p. 156.
(4) Dans "Lavoirs de l'Yonne " Editions de l'Armançon 1996;
(5) Les informations ont été puisées dans les bulletins communaux de Serbonnes "au fil de l'Yonne" de décembre 1997 et décembre 2010.
Nous remercions Pierre Glaizal pour ses précieuses connaissances, Jean-Luc Vignaud pour ses images, mais aussi Jean-Marie Laporte de Vinneuf, Nicole Franc de Serbonnes, et Isoline de l'association Dorémicontes, qui ont contribué à la réussite de cette journée.
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Commentaires
2ygnardJeudi 5 Février 2015 à 16:21Une agréable et intéressante présentation de cette belle journée riche en découvertes.
Merci à toutes et à tous3Dame la manoJeudi 5 Février 2015 à 16:21Le lavoir et l'église médiévale de Saint Martin sur Oreuse sont très jolis. Salut cordial. Béa Berthelage
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merci pour le "tuyau" vous pouvez écrire un article sur le sujet que nous pourrons éventuellement intègrer à notre blog ! au boulot !