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BOLLEE - LE VENT
Quelle drôle et étonnant objet a tout-à-coup surgi dans le ciel de Sens en décembre 2017 à la limite Sud du Parc du Moulin à Tan ! Ceux qui n'ont pas lu la presse locale en sont restés "baba" et ont tout-de-suite pensé à l'oeuvre d'un sculpteur d'arrière-garde ayant réalisé "le rêve de sa vie", une tour follement poétique et inutile, une oeuvre d'art, sorte de tour Eiffel sénonaise coiffée d'un grand soleil de métal (avec 100 ans de retard sur la mode inspirée par la révolution technique que représentait au XIXe siècle l'architecture de fer).
Très haute (23 mètres) on la voit dès la sortie des nouveaux cinémas "de plein champs" confluences et que l'on emprunte la petite route qui va directe à la rivière puis tourne à angle droit vers la ville, un peu étonnée d'être là en pleine solitude agricole des champs de maïs.
Intrigués, on apprend vite qu'il s'agit d'une "éolienne" machine à vent d'un modèle très "en pointe" à la fin du XIXe siècle inventée pour le pompage de l'eau et produite en France entre 1872 et 1933 par un génial inventeur Ernest-Syvain Bollée (1814-1891) : une grande turbine à pales composée d'une roue dont le diamètre pouvait être de 5 m fixée au sommet d'une colonne-axe autour de laquelle s'enroulait tel un ruban, un fin escalier hélicoïdal en fonte.
Une attention portée aux détails, une bonne exécution et une construction robuste permettaient de pomper l'eau à une profondeur de 100 mètres et plus. Le constructeur avait eu (contrairement à quelques inventeurs de machines moins sophistiquées de la même époque) un grand souci de solidité mais également d'esthétique, qualités qui ne pouvaient que séduire les riches clients propriétaires de châteaux ou manoirs du XIXe siècle ; la maison BOLLEE avait soigné les détails : des escaliers en fonte nervurés et ajourés, tout en haut une galerie de service avec des balustres en fer forgé sur lesquelles étaient boulonnées les quatre lettres des points cardinaux dans le style Art Nouveau, au sommet une girouette qui permettait de repérer l'orientation du vent avec précision. Bref en plus de l'intelligence du système, ces constructions légères et transparentes en métal constituaient un décor original et faisait "un bel effet" dans les parcs de châteaux. C'est ainsi que les premières éoliennes BOLLEE furent installées d'abord dans les demeures bourgeoises (avant 1900), puis à partir de l'Exposition Universelle de 1900 (où elles ont remporté un grand succès commercial) dans les campagnes françaises.
L'entreprise changera de mains en 1898: l'ingénieur Lebert deviendra propriétaire du brevet, le modèle sera alors simplifié, la colonne à mât "haubané" sera remplacée, par un pylône en treillis et l'escalier par une simple échelle en fer. Cette simplification rendra l'ensemble moins cher, plus facile à vendre et toutes les machines installées après 1900 seront de ce type. Notre grande chance dans le département de l'Yonne est que trois des machines encore visibles datent d'avant 1900, époque des BOLLEE "à mât haubané" (Villevallier, 1893, Arthonnay, 1897, La Postolle, 1898). Seule celle de Vaudeurs installée en 1923 est de type "pylône en treillis". Toutes sont devenues obsolètes depuis l'installation de l'eau courante dans la plupart des campagnes.
Soigneusement démontée, transportée de Villevallier (où elle fut installée en 1893) et reconstituée, l'une d'elles fut récemment remontée au Parc du Moulin à Tan, à Sens d'où sa grande roue domine largement la vaste plaine alluviale.
Ces "éoliennes", baptisées ainsi par l'inventeur, ont servi au pompage de l'eau jusque dans les années 1950. Trois cent cinquante exemplaires de cette ingénieuse "machine à vent" furent installés principalement en France dans 44 départements.
A l'époque où l'eau était rare et précieuse, où certains villages étaient éloignés de tout point d'eau, où seules quelques mares permettaient aux gens de laver le linge et aux animaux de ferme d'aller boire, cette géniale invention a eu un grand succès. Malheureusement la plupart de ces constructions devenues inutiles ont été démontées et vendues "à la ferraille" par des communes qui n'en voyaient pas, à ce moment là, la valeur patrimoniale.
Il en reste des images (souvent des cartes postales ) et quelques souvenirs....
La sauvegarde de ces éoliennes ou de ce qui en reste est essentielle pour la connaissance et la mise à l'abri d'un patrimoine aujourd'hui très menacé et déjà reliquaire et son inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques est des plus urgente.
Un peu de technique
L'éolienne Bollée de La Postolle
Installation de l'éolienne au moulin à tan (article de l'Y. R )
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Commentaires
2Camille DénécéJeudi 12 Avril 2018 à 00:583Patrimoine de VillenJeudi 12 Avril 2018 à 04:27Il se passe toujours "quelque chose" dans notre région. Côté artistique, il me semble qu'elles s'intègrent mieux au paysage....... Merci à l'équipe de l'ASEPA, d'enrichir notre connaissance
4JMLSamedi 11 Août 2018 à 19:045CrouserousSamedi 7 Mars 2020 à 11:02Bonjour,
Très bien votre article sur l'éolienne de Villevallier on pourrait juste parler de son histoire.
Le propriétaire l'a proposée au village qui l'a refusée puis à la ville de Sens qui l'a acceptée en échange d'indiquer le nom des donateurs ce qui n'a jamais été fait et notamment lors de l'inauguration c'est le village de Villevallier qui a été remercié.
Il y a encore à villevallier la petite maison qui habite les machines. On a encore de nombreux documents de la main de Bollée.
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Un article qui ne se lit pas en coup de vent! ! Bravo pour la restauration de cette belle et astucieuse machine.
Merci pour le lien.
Et merci aux donateurs.