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Le retour des messicoles ?
Pour rédiger cet article, nous nous sommes beaucoup servis de la Revue La Garance Voyageuse et en particulier des articles très documentés de Pierre Sellenet. Nous avons aussi découvert le site La cabane de Tellus, refuge des "mauvaises herbes", dans lequel nous avons largement puisé. Ce site est une mine de renseignements sur tous les sujets de nature et il peut, grâce au petit webmaster très efficace répondre à tout, même aux questions les plus insolites (consulter le forum aux questions).
Les définitions
"Messicole" (du latin messis, moisson) : "les messicoles sont des plantes annuelles à germination préférentiellement hivernales habitant dans les moissons" (Phillippe JAUZEIN dans Le Monde des plantes, 1997, N° 458, pp. 19 à 23). Ce sont des plantes annuelles, liées étroitement à la culture des céréales d'hiver; elles se rencontrent plus particulièrement dans les champs labourés. Autant dire qu'elles sont depuis des siècles bien connues du monde paysan qui a tenté d'en apprivoiser certaines mais aussi et surtout de les éradiquer. Pierre Sellenet les nomme "compagnes des moissons" : "Ces messicoles (bleuets, coquelicots, adonis, nielle des blés) souvent passagères clandestines avec les migrations humaines se sont invitées à la même table que celle des hommes".
La très longue aventure des plantes messicoles
Comme les céréales (blé, orge, seigle, avoine), les messicoles n'appartiennent pas à la végétation originelle de nos pays. Beaucoup de "compagnes" des céréales sont parvenues avec celles-ci en Europe dès la préhistoire, il y a environ 6ooo ans, importées par des populations qui venaient du "croissant fertile", une région du Moyen Orient considérée comme le berceau de l'agriculture.
Les semences des messicoles sont arrivées mêlées à celles des céréales et se sont installées ensemble sur les sols défrichés. Elles sont, comme une grande majorité des plantes qui nous entourent, le résultat de nombreuses migrations et d’échanges depuis la préhistoire.
Les parcelles cultivées et leur contenu floristique enrichi au fil des siècles ont traversé le temps. Céréales et messicoles se sont associées à la vie pastorale et culturelle. De nombreuses plantes utiles, parmi ces herbes que l'on dit mauvaises, ont longtemps contribué à l'alimentation comme les coquelicots (Papaver sp.) et les mâches (Valerienella sp.) et à la médecine populaire (le bleuet des champs cultivé au Moyen Age pour ses qualités médicinales). Espèces compagnes des plantes cultivées depuis des millénaires, apparues "par mégarde" disent certains, les " fleurs des champs" "messicoles" ou "adventices" font partie de notre patrimoine naturel.
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Jusqu'aux années 1950, elles se maintenaient en plus ou moins grande quantité dans nos champs car elles y avaient retrouvé les conditions proches de leur biotope d'origine (suppression de la concurrence par le travail régulier du sol) et étaient régulièrement mais involontairement re-semées par l'homme.
Depuis lors, les méthodes de l'agriculture moderne, ultra-intensive, ne laissent plus de place à ces espèces non cultivées (et indésirables) : l'utilisation de divers herbicides à titre préventif ou curatif et d'engrais en grande quantité a permis une très forte augmentation des rendements agricoles, mais elle a contribué à une diminution drastique de la biodiversité.
Le pot de terre contre le pot de fer
Les messicoles ont des cycles biologiques rapides et adaptés aux cycles des récoltes, des morphologies adaptées à la vie dans les champs (port dressé ou volubile). Elles sont d'une robustesse étonnante et d'une prodigieuse fécondité (un coquelicot produit jusqu'à 50000 semences qui peuvent se conserver dans le sol de 10 à 40 ans sans perdre leur pouvoir germinatif) pour pallier à une mortalité élevée. De nombreux produits chimiques, de plus en plus efficaces et agressifs, ont été appliqués pour les détruire et elles ne trouvent plus que rarement les milieux propices à leur installation c'est-à-dire des sols nus ou régulièrement retournés et non traités.
En juin 2013, à notre grand étonnement, nous les avons rencontrées en grand nombre pour certaines (coquelicots, bleuets) pour d'autres de manière plus discrète (adonis, miroirs de Vénus, pieds d'alouette) - souvent en bordure des champs culivés dans les grandes plaines calcaires de Champagne (Michery, Sergines, Compigny) où le colza est largement présent. Cette plante hivernante, semée à l'automne (saison propice à la germination des plantes des moissons), subit des traitements moins agressifs que les céréales et permet ainsi la survie des messicoles.
Quelques découvertes dans la campagne champenoise calcaire
du côté de Gisy, Michery, Sergines jusqu'aux confins de l'Aube
myosotis arvensis, adonis (adonis annua), vesce (vicia sativa),
nielle des blés (agrostemma githago) , chardon (circium arvense) , silène (sylene),
brome (bromus sterilis) réséda (reseda lutea)
folle avoine (avena fatua) scabieuse (scabiosa arvensis)
liseron des champs (convolvulus arvensis)
pied d'aouette (consolida regalis),
pensée sauvage (viola arvensis),
miroir de Vénus (legousia speculum-veneris)
bec de grue (erodium circutarium)
coquelicot (papaver rhoeas) ,
matricaire (matricaria perforata)
scabieuse des champs (knautia arvensis)
melampyre (melampyrum arvense)
Il y en a encore beaucoup d'autres moins colorées et plus discrètes comme les nombreuses graminées. Plus de 300 espèces différentes sont considérées comme "messicoles"
Certaines régions s'emploient déjà à développer des pratiques de sauvegarde de cette flore si particulière et un plan national d'action a vu le jour en 2000, réactivé en 2009, puis en mai 2013 jusqu'en 2017. Il est consultable sur le site du Ministère de l'écologie et du développement durable. Il est évident que les agriculteurs ont déjà et auront un rôle majeur à jouer dans ce "sauvetage".
Conclusion
Pour les curieux et amoureux de nature, pour les randonneurs er autres vagabonds, les plantes des moissons réservent (pour combien de temps encore ?) une intéressante et belle illustration de la diversité du monde végétal. Les espèces qui s'y trouvent, issues de multiples adaptations au cours des siècles, méritent toute notre attention. Les champs tricolores qui ont peu à peu disparu des campagnes sont encore très présents dans la mémoire collective.
Qui ne se souvient des énormes et somptueux bouquets ramenés des champs dans la chaleur de juillet ?
Plan national d'actions en faveur des messicoles 2013-2017
à écouter une émission de FranceCulture
Terre à terre avec Pierre Sellenet, spécialiste des plantes messicoles
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