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L'église de Pont-sur-Yonne - visite commentée par Alain Villes
Pour écouter la conférence d'Alain Villes du 27 09 2010 cliquez ici
Cette page a été écrite à partir des enregistrements de la conférence d’Alain Villes, conservateur en chef du patrimoine, le 13 septembre 2009, que nous remercions très vivement de nous avoir offert cette visite commentée. Francis Alexandre, de l’association « les amis du vieux Villeneuve », a réalisé puis mis à notre disposition ces enregistrements. Qu’il soit également remercié.
Notre-Dame de Pont-sur-Yonne est une des premières églises gothiques de France. Simple, mais très homogène et remarquable dans ses proportions, elle a été construite sur le modèle de la cathédrale de Sens. Elle est parfois présentée comme la « version miniature » de cette première cathédrale gothique, construite au cœur de la France, dont les travaux commencèrent entre 1130 et 1140.
La première campagne de travaux de l’église de Pont-sur-Yonne se situe entre 1162 et 1169. De nombreux détails permettent de supposer que le même architecte a construit les deux édifices.
A l’époque, Pont-sur-Yonne est sous le patronage du chapitre de Sens qui en perçoit les revenus. Les premiers travaux ont été commandités par ordre et aux frais du chapitre. En 1169, Guillaume de Champagne, nouvel archevêque de Sens, vint consacrer le nouvel autel, dédié à Notre-Dame de l’Assomption. La consécration de cette église, encore inachevée, eut lieu en présence de la sœur de l’archevêque, Adélaïde de Champagne, épouse du roi de France, Louis VII. Ceci indique l’importance stratégique de la ville de Pont-sur-Yonne située, sur le franchissement de la rivière, entre l’Ile de France et la Bourgogne, qui n’était pas encore rattachée à la France.
Entre 1162 et la date de sa consécration en 1169 sont construits le chœur, les deux chapelles et le transept (au moins ses murs). Dans la nef, se dressent encore les murs de l’ancienne église. En effet, au Moyen Age on conservait le plus longtemps possible l’église antérieure pour éviter l’interruption du culte. On construisait la nouvelle église en partie à l’extérieur de l’ancienne et on y transférait progressivement le culte à mesure que les travaux avançaient. Une église carolingienne existait déjà à cet endroit, laquelle avait peut-être elle-même succédé à une église plus ancienne encore. On peut penser que l’église antérieure à Notre-Dame de l’Assomption était dédiée à Saint-Etienne, tout comme la cathédrale de Sens. En effet, il semble que la statue de Saint-Etienne , située au dessus du portail Sud, soit une statue de réemploi, dernier vestige de l'église ancienne.
Si le plan du XIIe siècle n’a jamais été modifié, la construction de Notre-Dame de Pont-sur-Yonne s’est poursuivie sur plus de deux siècles. Les travaux ont été interrompus ou fortement perturbés dans les périodes de guerre. La date de 1525 qui figure sur une des clés de voûte signe la fin de la construction.1-Le choeur, le transept et les deux chapellesComme pour toutes les cathédrales et églises, la construction se fait d'Est en Ouest, en commençant par le choeur. Il s'agit à Pont d'un chevet vitré fermé éclairé par les fenêtres, flanqué de deux chapelles qui n'ouvrent pas sur l'abside (ou chevet): trois sanctuaires, reprenant ici le modèle de la cathédrale de Sens en le simplifiant. Le chevet est particulièrement somptueux avec 7 pans d'abside (le nombre parfait). Les baies sont simples, plus basses que les voûtes, avec arcs formerets cintrés et voûtains, comme à Sens. Les sculptures des chapiteaux sont de tout premier ordre, le chantier de la cathédrale de Sens se trouve à trois lieues et c'est probablement l'architecte de la cathédrale qui a donné les plans et un très bon maçon local qui a réalisé l'ensemble.
Les traces de polychromie datent de l'époque de la construction: on distingue sur le mur Nord de l’abside un rond avec une croix de consécration qui date de 1169. Dans l'arc Sud se dresse un mur ancien, très régulier, fait de moellons de craie, matériau local utilisé à l'époque pour les murs intérieurs. Au-dessous de cette craie, l'enduit jaune doré avec de faux joints blanc vif est l'enduit d'origine. Les piliers étaient soulignés par des teintes plus vives, sans doute rouge, comme la croix de consécration. La statue de la vierge du maître autel est de style baroque tardif (fin XVIIIe). La statue primitive a disparu pendant les guerres de religion.
Le soubassement est du XVIe siècle avec ses volutes décorées de pampres de vigne (Pont était une région de vignobles jusqu'à l’épidémie de phylloxéra au début du XXe siècle).
Les deux chapelles qui encadrent l'abside sont de caractère roman, d’une part en citation de la cathédrale de Sens, mais également pour charger et consolider les flancs de l'abside. Elles ont été construites entre 1162 et 1168, en voûte d'arête avec 4 pans qui se croisent et reposent sur des culots. A l'époque, les constructeurs savaient
parfaitement construire en voûte d'ogive car le style gothique avait progressé d'une manière fulgurante en 20 ans, entre 1140, début de la construction de la cathédrale de Sens et 1162, début de la construction de l'église de Pont. Les arcs en plein cintre survécurent un certain temps dans le gothique, de même que les arcs brisés apparurent dans l'art roman dès le début du XIIe.En 1748, les toitures des chapelles menaçant ruine, le chapitre a voulu, pour des raisons d'économie, les doter de toits-terrasse. L’assemblée de la ville a heureusement refusé cette solution. Le chapitre se contenta donc de faire les réparations nécessaires sans rien changer à la disposition des toitures.
Le transept, construit en même temps que l'abside, était couvert en charpente. Il était probablement surmonté d'une tour en bois (les piliers n'auraient pas supporté une tour en pierre) et d'une flèche, flèche qui aurait été détruite par le feu en 1213. A l'époque, les églises rurales avaient, soit une seule tour sur la croisée du transept, soit, si elles étaient plus riches, deux tours: une sur la croisée et une tour-porche à l'entrée.
Ensuite les repères chronologiques tombent dans l’obscurité de l’histoire.
Entre 1169 et 1525, l’histoire tumultueuse de la région avec l’appauvrissement qui s’en est suivi, conduit à un ralentissement des travaux : la nef, les bas-côtés, le portail et la tour ne seront terminés qu’en 1525.
2- La fresque du jugement dernier
Elle se trouve dans le bras sud du transept, face Ouest. Très rare, malheureusement en très mauvais état, elle date du XVe siècle probablement commanditée en 1450 par le seigneur de Pont St Gilles, Philippe Thibaud en même temps que le tombeau familial monumental, construit sous la fresque et conçu pour abriter les membres de la famille aristocratique du lieu qui avaient participé au fonctionnement de la paroisse.
Plusieurs pierres tombales étaient déjà dans l'église, les corps ont été relevés et placés dans ce tombeau qui a été détruit à la révolution. Il ne subsiste aucune pierre tombale dans l'église sinon les traces de réemploi des dalles encore visibles sur certaines marches comme celles menant à l'autel central ou aux chapelles latérales.
3- La nef
Il s'agit d'une nef-halle (les bas-côtés étant de la même hauteur que la nef). On y trouve l'alternance, propre au gothique primitif, de piliers forts et de piliers faibles (au moins jusqu'à la moitié de la nef), alternance que rappellent les fenêtres des bas côtés. La seconde partie de la nef a été construite plus tardivement, ce qui apparait très clairement dans les piliers réguliers et nettement différents des deux premières travées.
4-Le portail
La statue de la vierge abritée par un dais est adossée au trumeau. Touchante dans sa simplicité, elle a résisté, on ne sait comment, depuis le XIIIe siècle, à la tourmente des guerres et aux intempéries. La légende prétend qu’elle fut toujours protégée par les habitants qui l’ont, à certaines époques, fermement défendue, cachée, peut-être même plâtrée, pour la soustraire au vandalisme. Des traces de peinture d’origine sont encore visibles sur sa robe et sur le socle sculpté de feuilles de vigne.
On sait maintenant qu’au Moyen Age tous les édifices religieux étaient peints, intérieur et extérieur, de couleurs vives.Au-dessus de la vierge, le linteau est soutenu par deux petits personnages agenouillés, l’un en habit civil l'autre en habit religieux
5 - La tour-clocherErigée probablement au XVe siècle en même temps que le portail, la tour-clocher, à l’alignement de la façade, termine l’église par le Sud et la domine de sa flèche d’ardoise. Comme tous les murs extérieurs, elle est en grès sombre (bleu gris) ce qui donne à l’ensemble une impression austère et rustique. Pourtant il ne s’agit pas d’une église fortifiée. Les blocs de grès ont été choisis de préférence au calcaire blond de la façade pour leur plus grande résistance.
6- Les combles
La plus grande partie des charpentes datent de la fin du XVe début du XVIe siècle, l'église étant terminée en 1525
Dans la tour on trouve 2 cloches: la plus petite baptisée Léone-Edmée en 1577 qui pèse environ 1,050 tonne, la plus grosse baptisée Elisabeth-Charlotte en 1721 environ 1,600 tonne.A la révolution, on descendait souvent les cloches pour les fondre, n'en laissant qu'une seule, la cloche d'alarme (la plus grosse) utilisée en tintement et non plus pour annoncer les fêtes religieuses. A Pont, grâce aux paroissiens, les cloches ont été descendues mais elles n'ont rejoint aucun arsenal, elles n'ont pas été fondues et ont été remontées au XIXe siècle.
Bibliographie (non exhaustive) d'Alain Villes :
2007- La cathédrale St Etienne de Chalon-en-Champagne, édit.Dominique Guéniot Langres
2009- La cathédrale Notre-Dame de Reims co-édit.La Simarre/Alain VillesPour écouter la conférence d'Alain Villes du 27 09 2010 cliquez ici
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