• Ancien pont de Pont

    Histoire et péripéties

    du vieux pont de pierre

     

     

    Nous remercions J.A.Picarat pour avoir accepté de nous confier ses documents, cartes postales anciennes et photographies d'époque pour illustrer cet article.

     

    Pont-sur-Yonne se niche à la rencontre de deux importantes voies de communication: d’une part la rivière Yonne, large voie d’eau navigable, d'autre part la route joignant Paris à la Bourgogne.

     

    CARTE CASSINI mod

     Extrait de la feuille n°46, Sens, partie de la carte géométrique de la France dite "carte de Cassini".Dressée par ordre de Louis XV, c'est la première dans l'histoire à s'appuyer sur une triangulation géodésique. Les mesures sont établies par Jacques CASSINI DE THURY (1677-1756) et son fils François (1714-1784). Les travaux sur le terrain et la gravure entrepris par François ne furent terminés qu'en 1815 par son fils Dominique.

     

     

    La ville fut depuis le Moyen Age, le lieu de passage obligatoire des icaunais allant à Paris et le lieu d’un trafic intense de marchandises entre Paris et la Haute Bourgogne. Un document de 1438, conservé aux Archives Nationales nous détaille l’importance et la diversité des marchandises présentées au pont de Pont-sur-Yonne (soit dessus, soit dessous) soumises au péage.(1)

    Le pont recadré

    On ne saurait dater avec précision la construction du premier pont qui a donné son nom au village. On sait qu'il y eut des bacs et des gués en même temps que des ponts plus ou moins  provisoires. voir commentaire d'un lecteur

    Pierre Glaizal dans le bulletin n° 23 de la SACPY (2) fait état d’un texte en latin de Pierre Bureteau  moine célestin de Sens (1520) relatant un épisode de la vie de St Loup, vingtième évêque de Sens et contemporain du roi Clotaire II (584-629). Ce texte fait allusion à la noyade de 21 auxerrois causée par la chute du pont de Pont-sur-Yonne (pontus cyriacus dans le texte latin). 

    On lit dans l'ouvrage de l'Abbé Horson (3) qu'en 1175 le Chapitre de Sens finance la construction d'un pont qui fut l'objet de contestation entre le Chapitre et  les bateliers de Pont. "Les bateliers se plaignent d''un tort qu'ils éprouvent depuis la construction du nouveau pont ... leur bac, qui leur rapportait chaque année un fort revenu, est délaissé et inutile".(cartulaire général de l'Yonne)

    Une réclamation des habitants de Pont-sur-Yonne datée de 1672 (reproduite ci-dessous) fait état "d'un grand pont de bois au bout de celuy de pierre".

     

    Pi Le pont et le port

    Détruits, emportés par les crues saisonnières, (dans un arrêt du conseil d’état du 11 mars 1684 il est dit que ce pont avait été depuis 40 ans emporté 3 fois « par les eaux et par les glaces »), ces ouvrages successifs furent, chaque fois reconstruits, tantôt en amont, tantôt en aval, en bois ou en pierre.

    C'est par un arrêt de 1684, que le roi Louis XIV demande à l’architecte Libéral Bruant (qui a construit l’Hôtel des Invalides à Paris) de construire un nouveau pont dont nous voyons actuellement les vestiges. Ce pont de pierre, de facture classique, sera très souvent remanié et consolidé. Victor Petit, dans l'annuaire de 1845, écrit :"ce pont étroit, escarpé, tortueux fut construit sur l'emplacement d'un pont en bois encore plus ancien, qui existait encore dans les premières années du XVIIe siècle"

    Au  XXe siècle il sera progressivement abandonné puis détruit.

     

    Pf Le pont, vue prise aval

    En 1935, un projet d’amélioration de la traversée de Pont par la route nationale, est présenté par les services de l’Etat. Il est envisagé plusieurs tracés possibles; la solution choisie à l'époque -parmi d'autres- consiste à détruire un quartier, y compris l’école et la gendarmerie, pour mettre en alignement la rue Carnot et le « faubourg de Sens ». Ce tracé condamne le vieux pont, même si les pontois manifestent un attachement à l'ouvrage au moment de l'enquête publique. Les études et consultations ont duré 5 ans, de 1932 à 1937. Il est finalement décidé  la construction d’un nouveau pont métallique  et la destruction du  vieux pont.(4)

     démolition pont 1

    En 1940, le génie militaire français fait sauter une arche pour empêcher les troupes allemandes de passer. On dit qu'il y mit tant d'ardeur et de dynamite que des pierres retombèrent  sur une partie de la ville, endommageant de nombreuses toîtures. Une arche en charpente est reconstruite en urgence  puis consolidée. La circulation  est rétablie en attendant l'ouverture  du pont neuf à la circulation en 1941.

    démolition pont 2

    Peu après la guerre, les deux grandes arches en anse de panier construites au XVIIIe par l’architecte Germain Boffrand pour améliorer la navigabilité, sont démolies par les services de l’état : le pont est interro mpu au milieu de la rivière et ne dessert plus que la petite ile très arborée, "l'ile d'Amour", très fréquentée des pêcheurs. 

    pont démoli red 1

    Mais l'ile et les arches qui y conduisent gênent encore les services des Ponts et chaussées et de la navigation (pourtant de moins en moins importante). Elles seront détruites dans les années qui suivent. 
    Aujourd'hui les arches au-dessus de la rive gauche, sont les seuls vestiges de ce que fut le bel ouvrage de Libéral Bruant. Ils ont été classés à " l'inventaire des monuments historiques " le 12 février 1991 à la demande de la municipalité.

    Un classement contemporain de celui de l'église Notre-Dame en 1907 aurait peut-être permis de sauver l'ouvrage et de l'affecter -pourquoi pas- au passage et aux loisirs des piétons ?

     

    (1) Article de Paul Gache dans l’écho d’Auxerre n°81 de mai-juin 1969

    (2) Bulletin n°23 de la Société Archéologique et Culturelle de Pont-sur-Yonne (SACPY)

    (3) Histoire de Pont-sur-Yonne de l'Abbé Horson (Pierre-Valentin) Res Universis, Paris,1989. Réimpression d'une notice historique parue en 1878 sous le titre : Recherches historiques sur Pont-sur-Yonne.

    (4) Pont-Magazine n° 78 du 1er trimestre 1996 lire les principales "péripéties" de cette « ténébreuse » affaire.

      

      Réclamation des habitants de Pont-sur-Yonne, en 1672

    Mémoire pour présenter et faire connoistre à son altesse Royale la nécessité de l’entretien
    des ponts routes et chaussées de la ville de Pont-sur-Yonne dépendante de son duché de Nemours pour l’utilité du commerce et communication de la province de Bourgogne tant par eau que par terre avec la bonne ville de Paris. Pourquoy faire les feus Roys et sa Majesté à présent régnante ont de temps immémorial accordé et faict jouyr ladite ville de quelques octroys jusqu’en l’année 1663, depuis laquelle ils n’en jouissent plus qui a causé la ruine du dit lieu.

    "L’utilité de ce passage de Paris en Bourgogne est sy considérable qu’il consiste en un grand pont de pierre et un grand pont de bois pour passer la rivière d’Yonne laquelle en cet endroit est divisée par une isle en deux qui a causé cette nécessité d’ajouter un grand pont de bois au bout de celuy de pierre, et en deux chaussées fort longues qui sont d’un si grand entretien que les années réduictes du fort au faible on ne le peut faire pour 3000 livres par an, et si lesdits ponts et chaussées manquoient d’entretien comme il s’est quelquefois vu lorsque ladite ville a cessé de jouyr de quelques octroys, les personnes de qualité qui passent en carrosse les charriots et charrettes et arnais sont obligés de passer du costé des montagnes par des passages si difficiles que plusieurs carrosses ont versé dans la rivière et les personnes, chevaux et carrosses péris, auquel danger tous seraient exposés si ledit passage n’estoit bien entretenu …" 

     (Ref. A.D.Y.A29)

    A VOIR aussi sur ce blog:

                                           L'article d'Elisabeth Chat sur les bâtisseurs de ce pont de pierre (2)

                                           L'article d'Elisabeth Chat sur la naissance d'un pont de pierre (3)

                                          L'article sur le plan de 1736 (4)

     


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