• OBSERVATIONS du 26 NOV 2018 AU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR

     

     

    Monsieur le Commissaire enquêteur,

     

    Ayant pris connaissance du dossier d’enquête publique, l’ASEPA est en mesure d’exposer des objections vis à vis de l’installation projetée.
    Nous les présentons succinctement par ce courrier (I) et formulons en conséquences plusieurs demandes à votre intention (II).

     

     

    I. Objections présentées par l’ASEPA

     

     

    A. Rappel des risques généraux des carrières en zone alluvionnaire

     

    L’ASEPA se bornera ici à rappeler que le projet soumis à enquête publique concerne l’extraction de sables et graviers. Il s’agit d’une ressource naturelle non renouvelable, et d’une ressource qui joue un rôle majeur dans le filtrage des eaux, essentiel à la consommation de l’eau potable. Il s’agit donc d’un enjeu environnemental mais aussi d’accès aux ressources et de santé publique.

    Certains pays ont déjà interdit ou réduit l’extraction de sables en zone alluvionnaire. La France ne s’est pas encore orientée dans ce sens, mais les préoccupations environnementales sont tout à fait visibles dans un certain nombre de documents officiels cherchant à encadrer ces extractions.

    Pour prendre le document qui concerne plus directement les communes de Pont-sur-Yonne et de Michery, le Schéma départemental des carrières (2012-2021)(SDC), on y constate :

     

     

     

         1. L’énumération précise des impacts négatifs sur le milieu naturel          et le paysage (pages 24-25).

     

    Un grand nombre de ces impacts existent pour le projet de Michery, parmi lesquels :

     

    - la mise à nu définitive de la nappe alluviale et la diminution de sa protection,

    - la modification de la piézométrie (rabattement de nappe, c’est à dire abaissement des cours d’eau, ici l’Oreuse, ainsi que des étangs limitrophes),

    - l’altération de zones humides aux abords (Oreuse),

    - la réduction de l’espace agricole,

    - le risque de pollution par le remblaiement,

    - l’accroissement de la circulation, avec ses problèmes induits de sécurité et de voirie,

    - l’accélération du mitage de la vallée de l’Yonne.

     

     

         2. Une inquiétude face à la surexploitation et même à l’exploitation         des vallées alluviales.

     

    Selon le schéma départemental des carrières, « devant la prise de conscience de l’importance environnementale des vallées alluviales, la tendance nationale est à la diminution progressive de l’exploitation des dépôts alluvionnaires en eau, en grande partie remplacée par les roches massives calcaires et éruptives » (page. 34). Des objectifs de réduction de la production sont fixés, tandis que les exploitants sont tenus de justifier de l’utilisation des matériaux extraits, et de contrôler les opérations de remblaiement.

     

    Il est donc clair que le schéma départemental des carrières est imprégné de l’idée du risque environnemental et qu’il cherche à réduire le processus d’extraction des sables en zone alluvionnaire (page 64).

     

     

     

    B. Risques spécifiquement créés par l’actuel projet

     

    Dans la limite du temps imparti pour la consultation du projet d’installation, l’ASEPA s’inquiète particulièrement, tout comme les autorités locales et les associations de défense de l’environnement, de plusieurs aspects du dossier à l’étude. Elle en signalera plus particulièrement quatre, auxquels s’ajoutent bien entendu des effets certains et très problématiques que sont l’accroissement de la circulation de camions, l’impact paysager et la disparition d’excellentes terres agricoles.

     

         1. Le risque pour la nappe et l’eau potable disponible

     

    Les élus et les associations ont déjà relevé les craintes suscitées par l’installation s’agissant de la disponibilité de l’eau potable. Ces craintes se sont réalisées dans d’autres communes du Nord Yonne déjà fortement impactées par l’installation de carrières. Il y aurait lieu, au regard de la reconnaissance désormais générale d’un droit à l’eau, de mesurer plus précisément cet impact, à la lumière des effets constatés dans le Nord Yonne. Une expertise indépendante complémentaire apparait ainsi nécessaire.

     

    Rappelons que toute mise à nu de la nappe alluviale est définitive et comporte, ainsi que le note également le schéma départemental des carrières, un risque de pollution de l’eau potable. L’enjeu est également ici un enjeu de santé publique.

     

         2. Le risque d’impact délétère sur la ZNIEFF de l’Oreuse

     

    La basse vallée de l’Oreuse et son confluent avec l’Yonne sont classées en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1, zone particulièrement protégée pour son intérêt écologique. L’emprise du projet est immédiatement lié à la ZNIEFF et l’exploitation pourra avoir de graves conséquences sur cette zone.

     

    Il est tout à fait probable que les rabattements de nappe auront un impact qui pourrait aller jusqu’à assécher le cours de l’Oreuse et mettre en péril la ZNIEFF.

     

         3. Le risque d’inondation

    D’importantes inondations ont été constatées en 2018 qui s’étendaient largement sur la zone d’emprise du projet envisagé. Il y a donc lieu de réviser l’analyse proposée dans l’étude d’impact, qui ne consacre que quelques pages à cette épineuse question. Notons que l’avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Bourgogne Franche-Comté s’est basé sur un dossier datant de septembre 2016 (voy. avis, notamment page 6/12).

     

         4. Le risque d’altération d’un patrimoine historique et archéologique

     

    Un bâtiment classé à l’inventaire des monuments historiques, la Cour Notre Dame, se trouve au centre du périmètre de l’installation projetée. De plus, la zone sous emprise est susceptible de receler d’importants vestiges archéologiques, comme le signale d’ailleurs l’étude d’impact. Or, les indications relatives à la protection de ce patrimoine y demeurent très sommaires. Il y aurait lieu d’envisager une analyse préalable approfondie du Service Régional de l’Archéologie.

     

     

     

    II. Demandes formulées à l’intention du Commissaire enquêteur

     

    Au regard des graves risques présentés par le projet et du caractère ancien du dossier analysé par la Mission Régionale d’Autorité environnementale dans son avis, nous vous demandons de bien vouloir :

    1. Prolonger l’enquête pour une durée supplémentaire de 15 jours (article L. 123-9 du code de l’environnement) ;

    2. Demander la désignation d’un expert véritablement indépendant (article L. 123-13 du code de l’environnement) afin :

         a. de mesurer l’impact réel du projet d’installation sur le captage d’eau potable, à la lumière d’une analyse des effets des sablières sur l’eau potable dans le Nord Yonne ;

         b. de mesurer l’impact réel du projet d’installation sur les risques d’inondation au regard du PPRI (plan de prévention du risque inondation) et de l’étendue des inondations constatées en 2018 ;

         c. d’envisager un déplacement préalable du Service Régional de l’Archéologie ;

       d. de mesurer précisément l’effet combiné du projet d’installation avec celui projeté sur le territoire de Pont-sur-Yonne. Certes, le projet de Pont-sur-Yonne a donné lieu à ce jour à un refus d’autorisation de la part du Préfet de l’Yonne (arrêté du 7 février 2017). Toutefois, ce refus ne se trouve pas recensé dans l’étude d’impact, qui n’a donc pas pris en compte les éléments négatifs qui pourraient également affecter le projet de Michery. L’arrêté préfectoral ayant fait l’objet d’un recours, il y a lieu d’envisager sous un nouveau jour la thématique de l’effet combiné.

     

    Nous restons bien entendu à votre disposition et vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Commissaire enquêteur, l’expression de notre considération très distinguée.

     

    Le 26 novembre 2018, pour l’ASEPA, sa présidente,

     

    Rafaëlle Maison