• Observations de l'asepa (enquête publique sablières)

     

     

    Observations de l’association de sauvegarde de l’environnement de Pont-sur-Yonne et ses alentours (ASEPA) sur le dossier de demande d’autorisation d’exploitation d’une carrière de sables et graviers présenté par les sociétés DLB-GSM

    Enquête publique de Pont-sur-Yonne

    Observations déposées le 20 octobre 2015

    Résumé des observations et conclusions

     Les observations soumises par l’Association de sauvegarde de l’environnement de Pont-sur-Yonne et ses alentours (ASEPA) démontreront les lacunes de l’étude d’impact présentée par les sociétés qui cherchent à installer une carrière en rive droite de l’Yonne.

    Ces lacunes sont frappantes en ce qui concerne l’impact sur la faune et la flore (chapitre V), la sécurité et le trafic routier (chapitre VI), les effets visuels et paysagers de l’installation (chapitre VII). Dans ce dernier cas, les entreprises pétitionnaires admettent elles-mêmes ces défauts en proposant in extremis une solution alternative qui n’a jamais été envisagée et qui pose de nouveaux problèmes.

    L’ASEPA, qui a pu recueillir l’expertise d’un ingénieur hydrologue, démontrera également les failles et erreurs scientifiques des études hydrauliques et hydrogéologiques réalisées par les bureaux d’études (chapitre IV). Ces études partiales, souvent basées sur la littérature et non sur des données relevées localement, sous-estiment gravement, sans justification scientifique, la largeur du lit majeur de l’Yonne, l’impact de l’installation sur le cours de l’Oreuse où se situe une zone naturelle protégée (ZNIEFF de type 1), le débit des eaux d’exhaure. Les erreurs scientifiques constatées permettent d’affirmer que l’installation n’est conforme ni au plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) ni au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) : l’implantation ne serait pas seulement inopportune mais irrégulière. On peut d’ailleurs se demander si l’expertise scientifique n’a pas été influencée aux fins d’échapper à la réglementation.

    En outre, l’ASEPA souligne que l’insuffisance scientifique d’une étude d’impact peut, en soi, constituer un motif d’annulation d’une autorisation d’exploitation (CAA Marseille, 6 mai 2004, Asde et a. : n’analyse pas suffisamment les effets négatifs du projet une étude d’impact d’un projet de route située dans une zone agricole, à proximité d’un réseau d’irrigation et d’une nappe phréatique de très faible profondeur, dès lors qu’elle reste sommaire sur le régime des eaux souterraines ; CAA Nantes, 24 décembre 2010, Assoc. vents de folie : analyse lacunaire fondée sur des éléments bibliographiques et des études réalisées sur d’autres sites).

    Au préalable, l’ASEPA reviendra sur l’objet de l’enquête publique et le rôle des associations de protection de l’environnement (chapitre I), présentera les caractéristiques générales des documents aujourd’hui soumis à la consultation (chapitre II) et rappellera les risques généraux de l’implantation des carrières en zone alluvionnaire, reconnus par les pouvoirs publics (chapitre III).

    Au regard de l’ensemble du dossier, caractérisé par les graves défauts de l’étude d’impact et les incertitudes des pétitionnaires, l’ASEPA formule une proposition tendant au refus d’autorisation de l’exploitation.

     

    SOMMAIRE

     

    Chapitre I - Enquête publique et rôle des associations de protection de l’environnement

    Chapitre II. La qualité des documents présentés lors de l’enquête publique

    Chapitre III. Les risques généraux des carrières en zone alluvionnaire

    Chapitre IV. L’impact de l’installation sur le système hydraulique et hydrogéologique

    Chapitre V. L’impact de l’installation sur la faune et la flore

    Chapitre VI. Les autres nuisances

    Chapitre VII. L’impact paysager et visuel

     

    Annexes

     

    Annexe 1. Pétition proposée à la signature par l’ASEPA

    Annexe 2. Lettre de l’ASEPA du 12 octobre 2015

    Annexe 3. Tableau des documents réalisé par l’ASEPA

    Annexe 4. Notes de Monsieur Gilles Souchet, ingénieur hydrologue

    Annexe 5. Carte d’évaluation du lit majeur de l’Yonne de l’étude d’impact

    Annexe 6. Figure d’emplacement des merlons de l’étude d’impact

    Annexe 7. Figure des izopièzes de l’étude d’impact (1976)

    Annexe 8. Figure des izopièzes tracée par Monsieur Gilles Souchet (2005)

     

     

     

    Chapitre I. Enquête publique et rôle des associations de protection de l’environnement

     

    Selon le code de l’environnement (article L. 123-1), l’enquête publique « a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement (…). Les observations et propositions recueillies au cours de l’enquête sont prises en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision ».

     Toujours selon le code de l’environnement, « toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci » (article L. 142-1).

     Cette disposition témoigne de la reconnaissance de l’utilité de ces associations, et de la participation citoyenne, encore accrue par l’intégration de la Charte de l’environnement à la Constitution française. L’article 7 de la Charte précise que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites prévues par la loi, (...) de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »

     Dans ce contexte juridique, nous souhaitons insister sur la nécessité de prendre en compte avec une particulière rigueur les observations formulées par l’ASEPA, une association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement dans un contexte local. De même, le soutien reçu par notre association dans le cadre d’une pétition motivée qui a recueilli plus 250 de signatures doit également être dûment pris en compte (voy. notre annexe 1). A l’évidence la pétition proposée à la signature par les élus pontois exige la même attention.

     L’opposition locale au projet se manifeste d’une manière différente mais encore plus significative par les délibérations des communes de Pont-sur-Yonne, de Michery et de la Communauté de Communes Nord Yonne qui sont aisément accessibles.

     Enfin, nous souhaitons souligner que le Commissaire enquêteur - même si, et parce qu’il doit émettre un avis motivé sur le projet – doit respecter un « principe d’impartialité ». S’il est – en l’état du droit, article L. 123-18 du code de l’environnement – indemnisé par les responsables du projet (ici les entreprises portant le projet de carrières), il ne saurait se désintéresser a priori des observations et propositions formulées par des associations et des individus dans le cadre de l’enquête publique. Il doit même les examiner avec précision. Au regard des graves problèmes soulevés par le projet soumis à enquête et des insuffisances de l’étude d’impact réalisée, nous ne doutons pas que le Commissaire enquêteur cherchera à exercer ses fonctions en respectant ce principe d’impartialité.

     Nous regrettons néanmoins la réponse globalement défavorable du Commissaire enquêteur – qui nous parvient hier par la voie postale - à la lettre de l’ASEPA portée au registre de l’enquête publique le 12 octobre 2015. Nous demandions sur la base des dispositions du code de l’environnement : l’organisation d’une réunion publique, la prolongation de la durée de l’enquête, le recours à un expert indépendant et l’audition de l’ASEPA (voy. notre annexe 2). Sur ce dernier point uniquement, le Commissaire enquêteur accède à notre demande, dans le cadre de la permanence qu’il assure ce jour en Mairie de Pont-sur-Yonne.

     

     

     

     

    Chapitre II. La qualité des documents présentés lors de l’enquête publique

     

    L’ASEPA a été frappée par plusieurs caractères de l’étude d’impact présentée dans l’enquête publique : sa confusion, sa partialité et fragilité scientifique, son caractère lacunaire. Ces trois aspects seront brièvement décrits, au regard de l’importance de l’étude d’impact afin d’évaluer les effets environnementaux d’un projet et de l’importance de fournir au public des informations lui permettant de participer.

     

    1 - Lisibilité

     Selon l’article L 123-12 du code de l’environnement, « le dossier d’enquête publique comprend, outre l’étude d’impact ou l’évaluation environnementale, lorsqu’elle est requise, les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicable au projet, plan ou programme. Il comprend également une note de présentation non technique (…). » (voy. aussi L. 122-3 sur les études d’impact)

     L’objet de l’enquête étant l’information et la participation du public, il est essentiel que le dossier soit présenté de la manière la plus éclairante possible, et qu’il comprenne ce « résumé non technique ».

     L’ASEPA remarque que le dossier d’enquête comprend bien ce « résumé non technique », mais qu’il est composé par ailleurs d’une série de documents qui rassemblés, représentent près de 2000 pages (1926 pages précisément). Il comprend 13 livrets, la tierce expertise, l’avis de l’autorité environnementale et la réponse des entreprises à cet avis.

     Ces documents ne sont pas introduits au moyen d’un sommaire ou tableau éclairant pour le public, mentionnant clairement leur source et leur date. Aussi, la lecture du dossier est-elle considérablement gênée par ce manque. Nous avons été contraints d’élaborer nous-mêmes ce sommaire (voy. notre annexe 3).

     On relèvera également nombre de redondances, différents aspects étant traités à différentes reprises dans des documents variés, ce qui est également une source de confusion pour le public.

     De plus, la numérotation de nombreux documents est incomplète, les cartes ne sont pas numérotées. Les acronymes ne sont pas explicités, alors qu’il s’agit d’une opération simple : cette inflation de sigles ne peut que décourager le public.

     Dans le présent document, l’ASEPA se réfèrera aux numéros des pages de la version numérisée du dossier d’enquête publique.

     

     2 - Négligences et pauvreté scientifique

     Le dossier a été présenté pour la première fois en 2009, et actualisé à la demande des services de l’Etat.

    Nous sommes en présence de documents redondants, que personne n’a pris la peine de remanier pour en donner une synthèse cohérente. Les études complémentaires se basent souvent uniquement sur les résultats de l’étude qu’il s’agit de compléter.

     Certaines données ne sont pas actualisées : les analyses d’eau datent de 1980, les analyses de débits de 2010. Fréquemment, les bureaux d’études se sont contentés de se fonder sur la littérature publiée plutôt que de pratiquer eux-mêmes des relevés locaux et contemporains (voy. chapitre IV).

     Les bureaux d’études (tous rémunérés par les entreprises pétitionnaires) livrent de plus des analyses souvent orientées et formulent des conclusions péremptoires qui ne sont pas soutenues par des démonstrations scientifiques, ainsi qu’on le verra plus loin (chapitre VI).

     Le style et l’orthographe sont souvent incertains, ce qui témoigne aussi de la légèreté des études conduites, les documents n’ayant apparemment pas été relus. En témoigne la reproduction doublée du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) dans le livret 7 (pp. 115 à 164 de la version numérique). A l’évidence, personne n’a pris la peine de vérifier ce livret avant de le soumettre au public.

     3 - Lacunes

     Par delà les lacunes déjà identifiées (par exemple le manque de relevés locaux et contemporains), l’ASEPA relève également, à ce stade, deux points.

     D’abord, l’avis de l’autorité environnementale est incomplet en ce qui concerne les aspects hydrauliques et hydrogéologiques de l’étude d’impact. L’avis consiste essentiellement en une reprise descriptive des documents produits pas les bureaux d’étude et ne relève pas leurs graves défauts. Le rôle critique de l’autorité n’est donc pas pleinement assuré.

     Par ailleurs, les porteurs du projet ont omis de prendre en compte les « effets cumulés » ce qui est, cette fois, relevé par l’avis de l’autorité environnementale (page 7).

     Or, selon l’article L. 122-3, l’étude d’impact doit comprendre une « étude des effets du projet sur l’environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d’autres projets connus ». En l’occurrence, un projet a été déposé par d’autres sociétés concernant le territoire de la commune de Michery. L’impact cumulé sur le cours de l’Oreuse, et la ZNIEFF de type 1, aurait, notamment, dû faire l’objet d’une analyse précise.

     La tierce expertise se contente de répondre, en trois brefs paragraphes qui contiennent une pure pétition de principe, sans fournir de justification scientifique : « les effets cumulés (...) seront très limités »... (p. 22 de la tierce expertise).

     Enfin, et ceci est relevé par l’autorité environnementale (pages 7-8 de l’avis), les actions de substitution à l’emploi de l’alluvionnaire, de même que la réalisation de l’objectif de réduction de l’extraction exigées en vertu du schéma départemental des carrières ne sont pas présentées.

     

     

     

     

    Chapitre III. Les risques généraux des carrières en zone alluvionnaire

     
     L’ASEPA se bornera ici à rappeler que le projet soumis à enquête publique concerne l’extraction de sables et graviers. Il s’agit d’une ressource naturelle non renouvelable, et d’une ressource qui joue un rôle majeur dans le filtrage des eaux, essentiel à la consommation de l’eau potable. Il s’agit donc d’un enjeu environnemental mais aussi d’accès aux ressources et de santé publique.

    Certains pays ont déjà interdit ou réduit l’extraction de sables en zone alluvionnaire. La France ne s’est pas encore orientée dans ce sens, mais les préoccupations environnementales sont tout à fait visibles dans un certain nombre de documents officiels cherchant à encadrer ces extractions.

    Pour prendre le document qui concerne plus directement les communes de Pont-sur-Yonne et de Michery, le Schéma départemental des carrières (2012-2021)(SDC), on y constate :

    1L’énumération précise des impacts négatifs sur le milieu naturel et le paysage (pages 24-25).

     Un grand nombre de ces impacts existent pour le projet de Pont-sur-Yonne, parmi lesquels :

    - la mise à nu définitive de la nappe alluviale et la diminution de sa protection,
    - la modification de la piézométrie (rabattement de nappe, c’est à dire abaissement des cours d’eau, ici l’Oreuse, ainsi que des étangs limitrophes),
    - l’altération de zones humides aux abords (Oreuse),
    - la réduction de l’espace agricole,
    - le risque de pollution par le remblaiement,
    - l’accroissement de la circulation, avec ses problèmes induits de sécurité et de voirie,
    - l’accélération du mitage de la vallée de l’Yonne.

     2 -Une inquiétude face à la surexploitation et même à l’exploitation des vallées alluviales.

     Selon le schéma départemental des carrières, « devant la prise de conscience de l’importance environnementales des vallées alluviales, la tendance nationale est à la diminution progressive de l’exploitation des dépôts alluvionnaires en eau, en grande partie remplacée par les roches massives calcaires et éruptives » (page. 34). Des objectifs de réduction de la production sont fixés, tandis que les exploitants sont tenus de justifier de l’utilisation des matériaux extraits, et de contrôler les opérations de remblaiement.

     Il est donc clair que le schéma départemental des carrières est imprégné de l’idée du risque environnemental et qu’il cherche à réduire le processus d’extraction des sables en zone alluvionnaire (page 64).

     Il se prononce par ailleurs clairement sur la nécessité d’interdire l’implantation de carrières en lit majeur, ou espace de mobilité, de la rivière (pages 128 et 129), une position également tenue par le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d’eaux côtiers normands (SDAGE 2010-2015) (orientation 21, page 91, ou 93 dans la version numérique).

     

     

     

     

    Chapitre IV.  L’impact de l’installation sur le système hydraulique et hydrogéologique

     

    Dans son analyse du dossier, l’ASEPA a été considérablement aidée par l’expertise de Monsieur Gilles Souchet, ingénieur hydrologue divisionnaire au centre de recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de Paris (CRECEP). La note de travail qu’il produit figure dans notre annexe 4.

     Nous nous limiterons dans ce chapitre à en présenter une synthèse et à renvoyer à cette note qui décrit parfaitement les nombreuses imperfections des différents documents présentés au public.

     1 - Les risques d’inondation

     Nous montrerons que l’étude hydraulique (livret 7) minimise clairement le risque d’inondation. Ceci vise à tenter d’échapper au plan de prévention des risques d’inondation de Pont-sur-Yonne (PPRI) et aux orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine (SDAGE). Il appartient au Commissaire enquêteur et à l’autorité compétente de prendre en compte ces risques majeurs, en formulant un avis négatif et en refusant l’autorisation d’exploiter dans une zone à risque.

     

     a - L’étude hydraulique minimise le risque d’inondation

     Elle est, notamment, confuse et incorrecte dans l’analyse de l’espace de mobilité fonctionnel de l’Yonne. Pour l’essentiel, la carte de la figure 9 en page 58 du livret 7 figure un espace de mobilité fonctionnel (ou lit majeur) de l’Yonne qui se rétrécit comme par hasard au niveau du projet d’installation de la carrière. La carte, particulièrement frappante, est reproduite dans notre annexe 5.

     L’identification de ce rétrécissement opportun n’est absolument pas justifiée scientifiquement. Ainsi, l’explication n’est pas convaincante, elle est même fort confuse : « la diminution de l’espace de mobilité fonctionnel théorique est due à un rétrécissement du lit mineur de l’Yonne, consécutif à une largeur importante du lit » (Livret 7, pages 57-58).

     Il est dès lors évident que le lit majeur a été minimisé, ainsi que les risques de l’implantation en cas de crue de l’Yonne. L’étude d’impact cherche à soustraire, sans justification scientifique, l’implantation du projet de l’espace de mobilité de la rivière (lit majeur).

     Des conclusions différentes ponctuent d’ailleurs le même document, témoignant d’un embarras évident. Ainsi, « le site est partiellement situé dans l’espace de mobilité » (Livret 7, page 57, ligne 6) puis « en dehors de l’espace de mobilité » (même page, ligne 16). Enfin, la rivière est considérée comme n’ayant pas de lit majeur (Livret 7, page 38 : « l’espace de mobilité est réduit au lit mineur du fait de la navigabilité de la rivière »).

     Cet ensemble d’assertions contradictoires ne satisfait pas aux exigences de rigueur scientifique d’une étude d’impact.

     b - Le projet se situe dans une zone de danger particulière interdisant en réalité son implantation

     Le site envisagé de la carrière ne satisfait pas aux exigences du plan de prévention des risques d’inondation de Pont-sur-Yonne (PPRI) ; il est également contraire aux orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin de la Seine et des cours d’eaux côtiers normands

    Dans la « zone rouge » identifiée par le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) de Pont-sur-Yonne, qui couvre le site du projet, les activités sont limitées et réglementées. En l’état du PPRI : « la zone rouge est une zone à préserver de toute urbanisation nouvelle. (...) Les objectifs sont (...) :

    - la limitation d’implantation humaine permanente,
    - la limitation des biens exposés,
    - la préservation du champ d’inondation,
    - la conservation des capacités d’écoulement des crues » (règlement PPRI, livret 7, page 129).

     Pour ce qui concerne le projet de carrière, l’ASEPA insiste sur cet objectif clairement exprimé de limitation ou de préservation de toute installation nouvelle. D’autant plus que l’installation de la carrière se trouve très probablement dans la zone de mobilité de la rivière (lit majeur). Or, la zone rouge du PPRI de Pont-sur-Yonne est plus large que cet espace de mobilité et elle interdit déjà de nouvelles installations. Cette interdiction ou limitation est donc encore plus nécessaire s’agissant d’une partie de la zone rouge particulièrement exposée : celle qui se trouve dans l’espace de mobilité de la rivière.

     Ainsi, l’implantation du projet serait contraire à l’esprit et au texte du PPRI. Ceci est d’ailleurs confirmé par les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Ainsi, l’orientation 21 de ce schéma (« réduire l’incidence de l’extraction des granulats sur l’eau et les milieux aquatiques ») exige de définir trois zones où les contraintes pesant sur l’extraction des granulats sont variées. La « zone à forts enjeux environnementaux » interdit en réalité l’ouverture de nouvelles carrières, et même le renouvellement des arrêtés d’autorisation d’exploiter les carrières existantes. Or, cette zone comprend le lit mineur des rivières mais également « les espaces de mobilité déjà cartographiés ou non » (page 91 ou 93 de la version numérique). Il est donc assez probable que l’évaluation plus que fantaisiste de l’espace de mobilité de l’Yonne a été présentée dans l’étude d’impact sans justification scientifique, mais afin d’échapper à la normativité du SDAGE.

     De même, le schéma départemental des carrières (SDC) classe les implantations en lit majeur dans la « zone rouge » où « l’exploitation des carrières est interdite » (pages 128 et 129). On ajoutera d’ailleurs à ce critère du lit majeur celui de la proximité d’un point de captage d’alimentation en eau potable. En effet, le puits de la Vallée, aujourd’hui abandonné dans des conditions douteuses, pourrait fort bien être remis en service (voy. ci-après 3.a.)

     Rappelons que, selon l’article L. 562-5 du code de l’environnement, « le fait de construire ou d’aménager un terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou de ne pas respecter les conditions de réalisation, d’utilisation ou d’exploitation prescrites par ce plan est puni des peines prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme ».

     c - Le projet comporte, de surcroît, des obstacles à l’écoulement des eaux en cas de crue

     La réglementation imposée par le plan de prévention des risques d’inondation de Pont-sur-Yonne (PPRI) dans la zone rouge concerne les bâtiments et installations existants. Et dans ce cadre, seulement, sont « autorisés (...) les carrières autorisées en vertu des dispositions relatives aux installations classées, les équipements indispensables à leur fonctionnement ainsi que le stockage des matériaux afférent à ces carrières, à condition que celui-ci n’excède pas 40 % d’emprise au sol. Les aires de stockage des matériaux et des terres de découverte ne pourront être orientées transversalement au sens de l’écoulement des eaux ».

    Le Livret 7 de l’étude d’impact prétend se conformer à cette réglementation en exposant de manière récurrente que les merlons envisagés seront parallèles au sens d’écoulement des eaux.

     Or, la figure 11 de la page 80 de ce Livret (voy. notre annexe 6) montre bien que ceux qui sont le long de la voie communale 12, ceux qui sont au sud-est du projet et au nord (merlons acoustiques) sont bien perpendiculaires au sens d’écoulement et donc non conformes au PPRI.

     Il s’agit finalement, explique-t-on à la page 180 du Livret 7, du « meilleur compromis possible », sans qu’aucune solution alternative n’ait été envisagée. Les explications fournies à la page 179 de ce même Livret quant à l’impact « sur d’éventuelles crues débordantes de l’Yonne » sont totalement insatisfaisantes. Elles insistent sur le caractère temporaire du stockage, mais n’exposent pas quelle serait la situation si la crue survenait au moment où les matériaux sont stockés. L’argument avancé selon lequel « leur présence serait compensée par les opérations de décapage » est inopérant sans connaissance des caractéristiques de la crue.

     On voit ainsi que, non contents d’avoir probablement sous-évalué la condition réelle du site envisagé d’exploitation (espace de mobilité de la rivière) dans le but d’échapper aux normes qui interdiraient l’implantation, les porteurs du projet ne cherchent même pas à respecter scrupuleusement le règlement s’imposant aux installations déjà existantes dans la zone rouge du PPRI.

     

    Il est donc évident que l’étude d’impact hydraulique a été orientée par la volonté d’échapper à l’esprit et à la règlementation du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), du schéma départemental des carrières (SDC) et aux obligations découlant du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ce que le Commissaire enquêteur ne peut ignorer et qui devra être pris en compte par l’autorité préfectorale.

     

    Les porteurs du projet paraissent d’ailleurs conscients de l’incompatibilité du projet avec la normativité existante. Ils répondent à l’autorité environnementale exigeant la compatibilité avec la normativité du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) (pages 7-8 de l’avis de l’autorité environnementale) de la manière suivante, qui ne peut qu’inquiéter :

     « Cette compatibilité ne s’impose donc pas, directement, aux demandes d’autorisation d’exploitation de carrières » (page 6 de la réponse à l’avis de l’autorité environnementale)

     2 - L’impact sur le cours de l’Oreuse et les étangs de pêche.

     La basse vallée de l’Oreuse et son confluent avec l’Yonne sont classées en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1, zone particulièrement protégée pour son intérêt écologique. L’emprise du projet ne se situe pas dans la ZNIEFF mais l’exploitation pourra avoir de graves conséquences sur cette zone, en raison de l’assèchement probable du cours de l’Oreuse.

     L’étude d’impact envisage ce point (Livret 8) mais présente des évaluations là aussi minimisées et non justifiées.

     On relèvera tout d’abord la fragilité dans l’analyse du débit moyen de l’Oreuse. Dans le livret 8, page 19, on lit par exemple que le pompage des eaux d’exhaure sera supérieur à 5% du QMNA5 (débit moyen mensuel sec de récurrence 5 ans) de l’Oreuse. Puis, à la phrase suivante, que « le QMNQ5 de l’Oreuse n’est pas connu ». Il y a là à l’évidence une contradiction.

     Par ailleurs, il apparaît que les rabattements de nappe (jusqu’à 0,75 m pour la nappe de l’Oreuse) sont sous-évalués. Pour le bureau d’étude, il n’y a pas de risque d’assèchement de l’Oreuse (30 cm d’épaisseur environ) car ... le lit de l’Oreuse est étanche (Livret 8, page 58). Il s’agit là d’une explication fantaisiste.

     Le complément apporté par la tierce expertise ne paraît guère scientifique lorsque le bureau d’étude fait état d’une « remarque d’un habitant de la Cour Notre Dame qui n’a jamais vu l’Oreuse à sec dans son secteur » (page 7 de la tierce expertise). Outre que ce témoignage ne nous apprend rien sur l’impact du projet, il révèle l’absence de données sérieuses. On notera incidemment que les habitants de la Cour Notre Dame, propriétaires fonciers, sont probablement intéressés à la réalisation du projet.

     Il est tout à fait probable que les rabattements de nappe auront un impact qui pourrait aller jusqu’à assécher le cours de l’Oreuse et mettre en péril la ZNIEFF. La surveillance préconisée par la tierce expertise (page 22) n’est pas une solution satisfaisante.

     L’impact sur les étangs de pêche ne semble pas, quant à lui, avoir été étudié. Ceci justifie pleinement les inquiétudes des sociétés de pêche locales.

      Nous insistons de nouveau sur l’absence d’étude des « effets cumulés » du projet actuel et du projet soumis pour la commune de Michery. La situation de ce second projet ne peut qu’avoir des effets plus rapidement néfastes sur le cours de l’Oreuse.

     3 -  Les risques de pollution de la nappe

     Nous l’avons signalé, toute mise à nu de la nappe alluviale est définitive et comporte, ainsi que le note également le schéma départemental des carrières, un risque de pollution de l’eau potable. L’enjeu est également ici un enjeu de santé publique.

     L’ASEPA tient à relever plusieurs points.

     a - L’abandon d’un puits alimenté en eau potable

     L’historique du projet présenté semble révéler un abandon volontaire, par la commune de Pont-sur-Yonne, d’un puits alimenté en eau potable en rive droite de l’Yonne (le puits de la Vallée), et ceci afin de ne pas gêner l’installation du projet. Ceci ressort du document de présentation des sociétés GSM-DLB en Mairie de Pont-sur-Yonne (document présenté aux élus le 04/09/2014).

     Le courrier du 28 juin 2005, mentionné dans l’historique du dossier présenté aux élus (mais dont la mention ne figure plus au Livret 1 de l’étude d’impact), courrier que l’ASEPA a cherché à consulter, n’a pu être trouvé. Il s’agirait d’un courrier de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) levant, à la demande du maire de Pont-sur-Yonne, « la seule contrainte forte historiquement opposable à l’inscription de la rive droite de Pont-sur-Yonne en ‘zone potentielle exploitable’ au schéma départemental des carrières » (document de présentation GSL-DLB du 04/09/2014, page 3). Les puits ont en effet un périmètre de protection sur lequel le site d’implantation de l’exploitation aurait empiété.

     En tout état de cause, on signalera que l’abandon de ce puits, qui constituait un obstacle fort à l’exploitation, est une mesure tout à fait insatisfaisante dans le cadre d’une bonne gestion de l’alimentation en eau potable. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) précité insiste par exemple sur la nécessité de protéger les captages d’eau pour l’alimentation en eau potable.

     L’abandon du puits montre qu’un conflit qui aurait dû être résolu en faveur de l’alimentation en eau potable pourrait l’avoir été afin de privilégier l’implantation de la carrière et l’intérêt des propriétaires fonciers.

     b - La négligence dans la recherche des analyses d’eau

     Dans le Livret 8, il est criant que les analyses d’eau sont totalement dépassées. Ainsi, en page 38, la dernière donnée pour le puits de Michery date de 1981. Pour les Vals d’Yonne, les données datent même de 1980 (même page) !

     Une étude d’impact sérieuse ne peut se fonder sur de telles données, alors même qu’il est aisé de se procurer des données récentes. Il y a là une grave négligence, relevée d’ailleurs par le second bureau d’étude consulté.

     En effet, une analyse sérieuse aurait mis en évidence la qualité de la filtration des eaux de nappe par les alluvions. La mise à nu de la nappe met en péril le système hydrogéologique naturel qui profite à tous.

     Par ailleurs, on note que l’analyse de piézométrie est également fantaisiste. D’abord, la connaissance des puits est incertaine (voy. rapport Gilles Souchet, notre annexe 4, page 5 commentant le Livret 8, pages 29, 34, 37, 40 et 90). Ensuite, le Livret 8 renvoie à une campagne de mesures datant de 2005 (page 42). Les données ont donc 10 ans, et ont été recueillies dans une période de basses eaux seulement. Il n’est par ailleurs pas fait de comparaison, sur la figure 7 du Livret 8, des données de 2005 avec celles mesurées en 1976 et présentées par la figure 4 (voy. notre annexe 7). Cette comparaison aurait permis de constater que les nappes évoluent dans le temps et que l’on ne peut se contenter de données anciennes. La figure 7 a été complétée en ce sens par Gilles Souchet (voy. notre annexe 8).

     Il est en conséquence certain que, pour un projet de cette importance, des mesures récentes sont indispensables, et qu’elles n’ont pas été réalisées. Il s’agit clairement d’une insuffisance scientifique de l’étude d’impact.

     c - Les effets de la création des étangs

      Dans le cadre du réaménagement du site, les exploitants envisagent de créer des étangs (1/3 de la zone) et des espaces agricoles (1/3 de la zone).

     Ceci pose des problèmes supplémentaires en termes de pollution de la nappe alluviale. Ainsi, les terres agricoles en immédiate proximité sont susceptibles de polluer la nappe, définitivement mise à nu, par des intrants chimiques, ce que relève d’ailleurs l’autorité environnementale (page 8 de l’avis). Pour le moins, une exploitation en agriculture biologique devrait être enviagée. Mais la hauteur de terre végétale mise en place au dessus des remblais (40 cm) ne permet probablement qu’une agriculture ayant lourdement recours aux intrants chimiques (voy. l’avis de l’autorité environnementale, page 8 et la réponse des pétitionnaires). D’ailleurs l’exploitation agricole revenant aux propriétaires, il apparaît difficile d’imposer ce type de contrainte.

     Enfin, et ceci n’est pas relevé par l’autorité environnementale, il existe des risques lourds de pollution accidentelle de la nappe. Les étangs créés seraient en effet situés en immédiate proximité de la route départementale 976, une route qui est extrêmement fréquentée. Un accident routier pourrait ainsi générer une pollution durable.

     d - Les opérations de remblaiement

     Le schéma départemental des carrières (SDC) présente des recommandations très précises relatives aux opérations de remblaiement, qui sont particulièrement risquées dans les zones alluviales. Ainsi : « pour le remblaiement dans les lits majeurs et les nappes alluviales, les matériaux doivent être impérativement inertes, de préférence d’origine naturelle (terre arable stockée pendant l’exploitation, découverte et remblais extérieurs). Les matériaux de démolition à éviter dans ce dernier cas peuvent être utilisés ailleurs sous réserve de tri et de contrôle rigoureux afin de ne retenir que les remblais inertes non contaminés ni pollués (…) Des campagnes périodiques de prélèvements et d’analyses devront être effectuées afin de suivre la qualité des eaux souterraines et donc contrôler l’impact éventuel qualitatif et quantitatif sur la nappe » (page 135, c’est nous qui soulignons)

     On relève que l’étude de dangers (Livret 4) ne prend pas véritablement en compte ces recommandations fermes :

     - d’abord il n’est pas question, dans le Livret 4, d’employer des matériaux naturels (à privilégier dans le schéma départemental) ;

     - par ailleurs, il est clairement envisagé d’accueillir des déchets non inertes, car on estime « qu’il est encore rare de trouver des déchets inertes matériellement séparés de résidus organiques ou non inertes » (Livret 4, page 86). L’interdiction des déchets non inertes, nous dit-on, « n’a pas lieu de s’appliquer dans le cas où, lors d’une livraison, la proportion de ces déchets non inertes resterait marginale par rapport au volume de poids de livraison » (même page). Ces précisions sont plutôt inquiétantes : qu’est-ce qu’une proportion marginale ? Comment continuer à comprendre l’interdiction « impérative » des déchets non inertes ?

     - on lit également que les matériaux de remblais pourront être apportés par des « clients » (Livret 4, page 88) : on voit qu’en réalité la carrière est aussi un lieu où se réalisent des opérations commerciales liées aux matériaux de remblais. Ce fait, le stockage - par remblaiement - de déchets, n’est pas officiellement présenté comme un élément de l’installation, alors qu’il semble finalement y être assez central.

     - le contrôle de la nature des matériaux de remblais, réalisé sur le site, comprend comme dispositif principal un « contrôle visuel et olfactif » (Livret 4, page 90). Ce dispositif apparaît contestable au regard de la diversité des matériaux non inertes dont on envisage qu’ils puissent être accueillis. De nombreux déchets non inertes sont difficilement repérables à la vue, et ne produisent pas d’odeurs (radioactivité, amiante...) Le contrôle serait intégralement réalisé par les employés des porteurs du projet, dont on espère qu’en plus de savoir nager (condition pour s’approcher des points d’eau), ils auront une excellente vue et un excellent odorat.

     - des campagnes d’analyses semestrielles sont envisagées. Il n’est pas précisé si elles seront réalisées par des experts indépendants.

     

     

     

     

    Chapitre V. L’impact de l’installation sur la faune et la flore

     

    Nous avons déjà signalé le probable assèchement du cours de l’Oreuse, qui aura une incidence évidente sur la ZNIEFF de type 1 ; il n’est pas utile d’y revenir trop longuement ici.

     Nous soulèverons deux points complémentaires qui se rapportent à l’insuffisance des observations réalisées et aux eaux d’exhaure (rejetées dans la rivière)

    1 - L’impact sur la ZNIEFF de l’Oreuse

     Il convient de relever ici les inquiétudes formulées par la Ligue de protection des oiseaux (LPO). S’agissant de l’Oreuse, l’association souligne, dans ses observations jointes au registre d’enquête publique « la grande biodiversité des berges de l’Oreuse ». N’ayant pas mesuré les failles de l’étude hydrogéologique (relevées ici par l’ASEPA), la LPO estime que le fait de recharger la nappe est indispensable et permettrait de maintenir cette biodiversité. L’ASEPA souligne que cette évaluation doit être actualisée en raison de la démonstration des insuffisances des données relatives à l’abaissement du cours de l’Oreuse.

    2  L’insuffisance des mesures d’observations de la faune

     L’autorité environnementale (avis, page 10), ainsi que la LPO (observations soumises à l’occasion de l’enquête publique), relèvent l’insuffisance d’analyse de l’avifaune dans l’étude d’impact. L’ASEPA s’associe pleinement à ces jugements.

     Ainsi, d’une part, seules les espèces présentes sur l’emprise du site ont été prises en compte (observations LPO, page 1) alors que toutes les espèces observées auraient dû l’être, les oiseaux étant, en principe, mobiles.

     Par ailleurs, les incidences sur la zone de protection spéciale (ZPS) proche n’ont pas été prises en compte. Il s’agit d’une lacune qui s’aggrave de l’absence d’analyse des « effets cumulés » résultant d’autres projets en cours (voy. ci-dessus, chapitre II).

     On relèvera incidemment que, dans ses observations, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) insiste sur la suffisance des plans d’eaux et zones humides existants dans la région pour accueillir l’avifaune. Pour la LPO : « la plus-value apportée à la biodiversité (par la création de la sablière) dans ce secteur géographique de l’Yonne ne doit pas être considérée comme une justification à la création de nouveaux plans d’eau et de zones humides. En effet, ces nouveaux milieux sont suffisamment présents le long de l’Yonne pour accueillir l’avifaune et les autres taxons inféodés aux gravières et à leurs périphéries » (observations LPO, page 2).

     Cet avis est encore plus significatif lorsqu’il est mis en rapport avec la sous-estimation de l’assèchement de l’Oreuse, qui réduirait considérablement la biodiversité et qui n’a pu être relevée par la LPO.

     3-  L’analyse des eaux d’exhaure

     La question des eaux d’exhaure (eaux pompées et rejetées dans la rivière) a un rapport immédiat avec la flore et la faune des milieux aquatiques, car ces eaux sont susceptibles de les modifier.

     Dans le Livret 8, l’analyse des débits d’exhaure est encore une fois très insuffisante. Relevons plusieurs points :

     - il n’y a pas eu de campagne piézométrique en hautes eaux, et le bureau d’études se contente d’ajouter 0,5 m aux mesures réalisées en basses eaux en 2005 (Livret 8, page 49).
    - la conductivité hydraulique est extraite de la littérature sans se rapporter au contexte spécifique (Livret 8, page 50) et la valeur retenue trop faible (ce que souligne le second bureau d’études). Les débits d’exhaure sont donc minimisés.
    - on utilise un mystérieux « modèle numérique » pour justifier la carte des iso-rabattements, sans explications (Livret 8, page 52). Demandées par les services de l’Etat, ces justifications se trouvent dans la « partie 2 » du Livret 8. Elles exposent comment a été construit le modèle numérique. Toutefois un nouveau problème apparaît au regard des données entrées dans ce modèle. Ainsi la conductivité hydraulique et le coefficient d’emmagasinement sont issus de la littérature et n’ont pas fait l’objet d’une mesure avec des pompages d’essais locaux (Livret 8, page 100). Ce point est relevé par la tierce expertise (page 12), sans qu’un remède satisfaisant soit proposé pour pallier ces graves défauts scientifiques.

     En conséquence, l’analyse des débits d’exhaure et celle de l’impact environnemental de l’installation ne sont pas scientifiquement fiables.

     


     

    Chapitre VI. Les autres nuisances

     

    Il est certain que l’installation générera une série de nuisances. Nous nous limiterons ici à évoquer les nuisances sonores et la question du trafic routier.

     1- Nuisances sonores

     On relèvera d’abord, mais ceci est tout à fait récurrent dans l’étude d’impact, que les porteurs du projet se sont d’abord satisfaits de mesures de bruit datant de 2010. Ce n’est qu’à la demande de l’autorité environnementale (avis, page 12) que ces mesures ont été actualisées en juin 2015.

     La proximité de l’habitat humain conduit à envisager la construction de merlons acoustiques en bordure de la route départementale 976. Nous avons déjà constaté que cette solution entre en contradiction directe avec le plan de prévention des risques d’inondation (voy. chapitre IV). Les merlons ainsi positionnés sont à l’évidence perpendiculaire au cours des crues potentielles.

    Enfin, on relèvera que les entreprises garantissent que le chantier ne sera pas ouvert les week ends et jours fériés (c’est la moindre des choses) et qu’il ouvrerait entre 7h et 17h30. Il apparaît que ces horaires sont beaucoup trop larges pour assurer la tranquillité dans la zone qui se trouve en proximité immédiate des habitations.

     

    2 -  Le trafic routier

     D’après les évaluations de l’ASEPA, à partir des données du Livret 3, l’exploitation de la carrière pourra engendrer jusqu’à 18 000 camions /an en charge maximale de 44 tonnes. Ces camions emprunteront le pont de la rive droite à la rive gauche car il s’agit de transformer les matériaux dans le site de traitement de DLB en rive gauche de l’Yonne.

    L’ASEPA tient à souligner qu’il s’agit d’une sollicitation supplémentaire pour un ouvrage, le pont, déjà fragilisé par l’intensité du trafic. Par ailleurs, les démarrages au feu de la route départementale 976 dégraderont fortement le revêtement et le remblais de celle-ci. Enfin, la traversée de la ville engendrera également des nuisances.

    Aucune compensation ne semble prévue  pour la dégradation des voies de circulation se trouvant en rapport avec le chantier.

     

    Quant au plan de circulation des camions et aux questions de sécurité elles ne sont guère présentes. On affirme (Livret 2, page 316) que « toutes les mesures économiquement et techniquement réalisables seront prises pour limiter les effets du (sic) au trafic routier », sans plus de précisions. Evoquant de manière significative des mesures « économiquement réalisables », on constate que les pétitionnaires ne se sont pas ... encore ... préoccupés de cette question de la circulation et que lorsqu’ils le feront, ce sera en prenant soin de leur marge de profit.

    On attend pourtant d’un projet de cette ampleur une description beaucoup plus précise de la circulation des camions (voies de sortie de chantier, accès à la route départementale extrêmement passante, notamment) et des garanties de sécurité pour les riverains et utilisateurs de la zone (on verra au chapitre VII que les espaces sportifs de Pont-sur-Yonne, très fréquentés – avec notamment un court de tennis et un terrain de football - se trouvent en immédiate proximité). Sur la sécurité, il est essentiellement affirmé que les chauffeurs « respecteront le code de la route » (Livret 4, tableau page 13) ce qui semble être plutôt un impératif légal qu’une garantie de sécurité spécifique... !

     

     

     

    Chapitre VII. L’impact paysager et visuel

     

     Il convient d’abord de relever que, si les porteurs du projet tendent à présenter la zone d’implantation comme une zone non habitée, elle se situe en réalité en entrée immédiate de la ville de Pont-sur-Yonne ; elle est aussi très proche de l’espace sportif de Pont-sur-Yonne (terrains de football et court de tennis) et du camping. Le système de convoyeurs envisagés empruntera de plus le chemin de halage avec la construction d’un quai dans un espace qui est un lieu de promenade et de loisirs (sentier de grande randonnée, étangs de pêche). C’est donc cet espace de vie qui se trouve affecté par le projet.

     1-  Paysage et monuments classés

     Ainsi que le relève l’autorité environnementale, l’impact visuel de l’installation est considérable, le projet étant « particulièrement visible » dans un paysage ouvert et encore rural (avis, page 10). Il se trouve en entrée de ville, créant immédiatement une impression visuelle défavorable lors de l’accès à Pont-sur-Yonne par la route départementale 976.

     Il faut relever qu’en plus de la Cour Notre Dame, bâtiment classé à l’inventaire des monuments historiques, la perception visuelle de l’église Notre Dame de Pont-sur-Yonne, qui est également un bâtiment classé en immédiate proximité (et en cours de rénovation) sera également perturbée par l’installation, tant à partir de la route départementale 976 qu’à partir du chemin de halage. L’approche du centre-ville de Pont-sur-Yonne et de l’église qui le domine, transformée en espace quasi-industriel, sera profondément altérée.

     Les diverses vues présentées dans l’étude d’impact (reconstitution informatiques) ne cherchent jamais à illustrer ces perceptions visuelles. Elles exposent essentiellement la vue de la départementale et des champs cultivés dans une focale très large qui ne permet pas de rendre compte des impressions visuelles en abord de Pont-sur-Yonne (chemin de halage et vue sur l’église). Il s’agit donc de sélections qui ne rendent que très imparfaitement compte du réel.

    2 -  Le portique

     Le projet d’installation, qui prévoit une évacuation des matériaux à 70% par la voie fluviale, envisage la création de convoyeurs jusqu’à la rive de l’Yonne. Les convoyeurs devront franchir la route départementale 976 par le moyen d’un portique la surplombant, d’une hauteur de 6 mètres. L’impact visuel est là encore considérable, tout comme les effets sonores, et aucune mesure alternative ne semble avoir été envisagée.

     Il est pourtant fréquent de prévoir un franchissement sous-terrain des voies routières afin de minimiser les effets visuels et sonores ; cette pratique est courante dans les installations des porteurs du projet en Seine et Marne.

     L’ASEPA rappelle que le code de l’environnement impose que soit exposée, dans l’étude d’impact, « une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indications des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l’environnement ou la santé humaine » (article L. 122-3).

    3 -  Le chemin de halage

     L’installation se prolongerait donc par le moyen de convoyeurs jusqu’à la rive de l’Yonne en empruntant le chemin de halage. L’impact de cette installation serait considérable sur cet espace et le fait de peindre les convoyeurs en vert ne devrait pas avoir d’effet très remarquable, autre que celui de camouflage anecdotique et dérisoire.

     C’est pourtant bien l’une des mesures sérieusement présentée par l’étude d’impact comme minimisant les conséquences paysagères de l’ouvrage : « La couleur verte du convoyeur permettra l’insertion paysagère de cet ouvrage dans la ripisylve maintenue » (Livret 9, page 47)...

     Il semble que ce ne soit que très tardivement que les porteurs du projet aient pris en compte cet impact sur le chemin de halage. Celui-ci correspond à un sentier de grande randonnée, il est réservé à la promenade, il dessert tant le camping, que les étangs de pêche et les installations sportives. C’est dire qu’il est très fréquenté par les habitants de la région pour leurs activités de loisirs et leurs activités sportives. C’est aussi la beauté du site qui explique cette fréquentation.

     L’impact de l’installation sur cet espace n’est évalué que très tardivement donc (août 2015), dans la réponse à l’avis de l’autorité environnementale (qui ne mentionnait d’ailleurs pas spécifiquement cette critique). La note en réponse semble découvrir l’existence d’un sentier de grande randonnée et l’inscription du chemin de halage au schéma régional des véloroutes et voies vertes de Bourgogne. On y lit ces formules très curieuses à propos de l’impact du projet sur le chemin de halage :

     « les effets prévisibles sont une perception visuelle forte de l’infrastructure, bien que sur un linéaire limité, et dans une moindre mesure, le bruit du convoyeur pendant les opérations de chargement. On observera qu’une prise en compte de cette sensibilité visuelle demande une intégration paysagère particulière, au même titre que le passage aérien de la RD976. Cela étant, vis à vis de cette sensibilité paysagère particulière, une autre solution pour préserver la voie d’eau serait de recourir à une sortie des matériaux bruts vers les installations de traitement uniquement par voie routière. Il conviendrait d’en apprécier les avantages et les inconvénients par rapport au choix actuel d’utilisation de la voie d’eau ».

     On relèvera que la réponse ne précise pas quelle intégration paysagère particulière a été retenue. Surtout, dans cette réponse, les pétitionnaires semblent disposés à modifier substantiellement leur projet afin de ne plus emprunter le chemin de halage : il s’agirait de renoncer au transport par voie fluviale et d’utiliser la voie routière.

     

    L’ASEPA formule plusieurs remarques à cet égard :

     

     - Il est plus que est troublant que cet impact paysager n’ait pas été identifié plus tôt dans le cadre des études d’impact préalables et d’une instruction longue du dossier. Cela témoigne encore à nos yeux de la légèreté et des négligences qui ont émaillé la composition de ce dossier. Cette admission tardive de l’impact paysager dans cet espace démontre qu’à ce jour les porteurs du projet ne croient plus en la viabilité de leur projet initial.

     - Une éventuelle modification poserait de nouveau le problème de la conformité du projet au schéma départemental des carrières qui privilégie, pour des raisons environnementales, le transport par voie fluviale.

     - Un tel projet de modification substantielle doit, pendant l’enquête publique, donner lieu à une suspension de l’enquête publique, décidée par l’autorité compétente (code de l’environnement, article L. 123-14, I). Après celle-ci, une enquête complémentaire devrait être acceptée et ouverte par l’autorité compétente (article L. 123-14, II).

     

     Quoiqu’il en soit de ce projet de modification substantielle de l’installation, l’ASEPA estime, après analyse de l’étude d’impact, que l’installation se heurte à des interdictions juridiques fortes liées, notamment, à sa situation dans l’espace de mobilité de la rivière. La modification envisagée in extremis ne permettrait nullement de les dépasser.