• Déchets nucléaires IVRY

     

    Le projet d’Evry en quelques lignes :

    La communauté des communes Yonne Nord (CCYN) est en contact avec la société SÉCHÉ ÉNERGIE. Cette société est intéressée pour acquérir 1 à 2 hectares dans la zone d’activité située à EVRY et gérée par la CCYN. Elle souhaite y installer une activité de traitement de déchets nucléaires de très faible activité (TFA) de faible activité (FA) et de moyenne activité (MA) (Voir encadré ci-dessous).
    Les délégués communautaires de la CCYN ont assisté le 20 octobre 2016 à une réunion de présentation du projet.
    Un diaporama a été projeté par le responsable du projet chez Séché Energie, minimisant le problème environnemental et insistant lourdement sur la promesse de 40 emplois. 
    Des questions ont été posées sur les dangers : à chaque fois les réponses se voulaient rassurantes… Pour l’entreprise, le problème principal évoqué est celui d’un éventuel incendie…Radiations, poussières radioactives, rejets atmosphériques de l’incinérateur : zéro problème. Une belle assurance de la part d’un industriel qui ferait pourtant avec ce projet ses premiers pas dans le nucléaire !!

    — Les déchets nucléaires traités seront des ferrailles, des liquides, des vêtements, etc.

    — L’unité de traitement (18 m de hauteur, 40 x 50 m de superficie) serait une interface entre les producteurs de déchets nucléaires (EDF, CEA, etc.) et les sites de stockage des déchets radioactifs (ANDRA). Elle se composerait :
    D’un entreposage extérieur des produits radioactifs à traiter, pas de stockage définitif, il serait limité à 3 ans ;
    Une installation de décontamination avec sas et mise en dépression, extensible par modules ;
    Un incinérateur avec filtrage à 99.9 % des poussières radioactives. Il permettrait de brûler 1000 t/an de déchets nucléaires ;
    2 à 4 camions de déchets nucléaires par jour.
    Cette installation est prévue pour 30 ans avec possibilité de reconduction.

    Pour la CCNY, voir arriver 40 emplois et vendre des terrains, qui depuis des années ne trouvent pas preneur, apparaît comme une opportunité intéressante. Il a même été proposé au porteur du projet d’acquérir l’intégralité des terrains de la ZAC, avec pour argument qu’aucune entreprise ne voudra s’installer auprès de ce centre de traitement ! Belle lucidité dont on peut s’étonner qu’elle n’aille pas jusqu’à se soucier des conséquences sanitaires et environnementales engendrés par cette activité… Si jamais SÉCHÉ ÉNERGIE acceptait cette proposition, alors la CCNY n’aura plus aucun contrôle sur les agrandissements inévitables de l’entreprise qui sera extensible par modules (elle ne va tout de même pas acheter les 9 hectares restant pour en faire un parc à thème !).

    Que dire à nos élus ? Que les habitants n’ont pas à faire les frais du manque de prévoyance de l’Etat en matière de gestion des déchets du nucléaire. Que la contamination radioactive ne se cantonne pas à l’enceinte d’un site industriel. Que la vente des terrains de la ZAC et l’espoir de 40 emplois ne justifient pas que l’on repousse comme inexistants ou minimes les problèmes de sécurité sanitaire et environnementale que pose un tel site. Qu’un projet industriel, c’est toujours superbe sur le papier, ou sur un diaporama, mais que la réalité est généralement toute autre. Qu’on ne peut pas sacrifier l’intérêt général et les activités économiques déjà présentes à l’intérêt privé d’un industriel. Qu’à tout le moins, compte tenu de la nature du projet, la population devrait être consultée avant toute prise de décision.

    Quant à nous, citoyens, associations, nous sommes fermement opposés à ce qu’un tel projet voit le jour dans l’Yonne, ni à Evry ni ailleurs. Nous appelons la population d’Evry et des environs à se mobiliser et à dire non à ce projet, calmement mais fermement.

    Certains déchets TFA sont issus de l’assainissement et de la réhabilitation d’anciens sites pollués par la radioactivité. Ils se présentent généralement sous la forme de déchets inertes, béton, gravats, terres..., ou de déchets métalliques. Activité inférieure à cent becquerels par gramme (ordre de grandeur de la radioactivité naturelle).
    Les déchets FA sont essentiellement des déchets radifères (contenant du radium) et de graphite. L’essentiel des déchets est déjà produit ; leur production s’est arrêtée ou doit s’arrêter. D’autres déchets FA-VL existent tels que d’anciens objets radioactifs à usage familial (ex : fontaine au radium), certaines sources scellées usagées (paratonnerres, détecteurs d’incendie…), certains déchets bitumés (boues radioactives séchées enrobées dans du bitume). Activité entre quelques dizaines de becquerels par gramme et quelques centaines de milliers de becquerels par gramme.
    Les déchets MA peuvent également provenir des procédés de traitement des combustibles usés. Il peut aussi s’agir de composants (hors combustible) ayant séjourné dans les réacteurs nucléaires ou de déchets issus d’opérations de maintenance et de démantèlement d’installations nucléaires, d’ateliers, de laboratoires… Environ un million à un milliard de becquerels par gramme.

    Pourquoi des déchets nucléaires à Evry, ou à Gudmont-Villiers (52) ou ailleurs ?

    À l’origine, pour des raisons élémentaires de sécurité sanitaire et de protection des populations, il était prévu que les déchets de l’industrie nucléaire soient conditionnés sur le lieu même de leur production, puis en fonction de leurs caractéristiques, recyclés et réutilisés par l’industrie nucléaire, ou bien emmenés sur un site de stockage définitif.
    Cette façon de procéder évite la dissémination de la radioactivité en la cantonnant aux sites nucléaires et aux sites de stockage définitif. Sauf que…
    Avec le démantèlement des installations nucléaires, les déchets radioactifs TFA, FA, MA s’accumulent. Le centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) de l’ANDRA, qui constitue en France l’exutoire unique pour les déchets dits de « très faible activité », ou TFA, sera saturé à court terme.
    Nous renvoyons au texte de l’IRSN du 17 février dernier*, qui constitue un bel aveu d’impuissance. En résumé : puisqu’il est trop coûteux de continuer à gérer ces déchets en réduisant les risques sanitaires au minimum, on va passer à des solutions de gestion diversifiées, permettant un «  partage équitable des risques et nuisances de toute nature  », et favorisant un « usage de ressources mieux proportionnées au risque réel que présentent ces déchets  ». Ces évolutions « ne pourront toutefois être valablement arrêtées que si la société civile y est pleinement associée »… 
    Et là, le lecteur s’interroge : Mais quand donc la société civile a-t-elle été associée à ces projets de gestion diversifiés qui fleurissent d’ores et déjà en France ? Quand donc avons-nous été consultés ? Serions-nous collectivement atteints d’Alzheimer ? Car enfin, les propos de l’IRSN sont clairs, et posent la question de la gestion du risque pour la population actuelle et celles à venir, nos enfants et petits-enfants :
    « A cet égard, l’IRSN considère que tous les aspects du sujet doivent être abordés, qu’il s’agisse des méthodologies techniques à mettre en œuvre pour caractériser les risques tant radiologiques que conventionnels associés aux modes de gestion, ou des questions éthiques pouvant découler, par exemple, de la définition de seuils radiologiques de gestion et d’un niveau de dose en deçà duquel les modes de gestion susceptibles de la délivrer, aujourd’hui comme dans le futur, pourraient être considérés comme « optimisés » et équitables. » 
    Rien de tel depuis février dernier, en fait personne ne s’est préoccupé de « créer les conditions permettant de débattre des enjeux et des voies à explorer ». Mieux, les industriels du déchet considèrent que c’est le moment de faire de l’argent avec ce type de déchets, après en avoir fait avec les déchets chimiques ou autres déchets dangereux. 
    Transparence ? Intérêt général ? En dehors de toute forme de débat préalable, que ce soit à Gudmont-Villiers en Haute-Marne, ou à Evry, dans l’Yonne, la population locale se trouve exposée à un projet industriel déjà élaboré. Politique du fait accompli contre «  association de la société civile » aux prises de décisions. C’est tellement habituel que l’on en oublierait presque de s’en indigner !!!

    La population a toutefois le pouvoir de dire non. Avant que les terrains ne soient vendus. Avant que le projet n’entame la phase de démarches administratives. Bref, avant qu’il ne soit trop tard.

    *IRSN : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
    http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20160217_Dechets-radioactifs-tres-faible-activite-TFA-doctrine-de-gestion.aspx#.WBXAxyjleHo