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    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES "Tout le monde a déjà vu une trogne 
    et pourtant, combien savent qu'il s'agit d'un arbre
    régulièrement taillé à hauteur
    pour son bois, ses feuilles ou ses fruits...
    Les trognes sont
    des témoins vivants
    d'une longue histoire entre l'homme et le végétal ..."

    Dominique Mansion
    "Les Trognes, l'arbre paysan aux mille usages"

     

    Les arbres « têtards » appelés aussi «trognes » sont les témoins de pratiques rurales anciennes. A une époque où la terre appartenait au seigneur ou au clergé, cette pratique  permettait au  paysan de se servir du petit bois (qu'il avait la charge de  tailler) pour se chauffer, pour confectionner des outils, ou pour fournir du fourrage aux animaux.  Cette taille de l'arbre "en têtard" permettait d'exploiter le bois sans toucher au tronc, bois d'oeuvre et de valeur toujours  réservé au propriétaire du sol.  

    Ces arbres faisaient partie intégrante des paysages  et formaient l'environnement quotidien du monde rural jusqu'à la révolution agricole qui a suivi la deuxième guerre mondiale

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES  

     

    QUELLE  HISTOIRE !

    Des restes de vannerie trouvés dans des gisements du néolithique prouvent qu'à l'époque déjà  l'homme "recépait"  les saules pour obtenir les fines baguettes d'osier nécessaires à cette activité. On entretenait des trognes et nos ancêtres avaient, semble-t-il, des outils de bois et de silex adaptés à cet usage.  Avec l'apparition de l'élevage, le recépage régulier de certains arbres permettait un complément fourrager pour les animaux domestiques, mais ce n'est qu'à partir du Moyen Âge que l'on est certain de l'exploitation des arbres sous cette forme grâce à l'iconographie qui est parvenue jusqu'à nous. Certaines enluminures du XVe siècle* nous montrent des saules plantés  en alignement pour entourer les parcelles. Portées par un tronc, les précieuses repousses apportaient une production durable selon les cycles de taille régulière (entre 6 et 15 ans) répondant à de multiples usages.

     

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

    " Trognes en bordure de champs"
    .dans le Calendrier des très riches heures du duc de Berry,  mois de juillet et  d'octobre,  XVe siècle

     

     TRISTE HISTOIRE

     Au cours du XXème siècle dans notre région, l'élevage a disparu, la polyculture aussi, les petites fermes ont été remplacées  par de grandes propriétés céréalières.  On a commencé à pratiquer les remembrements à grande échelle, point de départ de la disparition massive des "arbres têtards".. En quelques années, des millions d'arbres, mais aussi des dizaines de milliers de kilomètres de haies et de talus ont été sacrifiés, avec pour conséquence un véritable désastre écologique .

     

    RESTE-IL DES TROGNES DANS NOS REGIONS  ?

    On en retrouve  quelques unes, isolées comme le charme d'Egriselles-le-Bocage qui a vaillamment résisté au remembrement

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

    ou avalés  par la forêt comme les charmes de Cesy,
    celui de Nailly ou le chêne cornier de Verlin.

     ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

     

      On rencontre également des allées de têtards abandonnées comme celle de Lorrez-le-Bocage ou celle de Val Profonde (Villeneuve-sur-Yonne). Ils forment alors des silhouettes étranges et tourmentées dignes des plus effrayants contes de Perrault.


    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES*

     

    BOIS D'AVENIR: Le passé, clé du futur ?

     bois refuges, bois énergie, bois fertile (BRF*), agroforesterie .

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES

     

    L'intérêt pour ces pratiques, longtemps tombées en désuétude, se manifeste timidement ces dernières années grâce à la reconnaissance du rôle écologique de ces arbres qui hébergent tout un cortège d'espèces. et sont sources de "biodiversité". A force de tailles répétées, les trognes forment rapidement des cavités, microhabitats spécifiques dont beaucoup d'espèces rares et menacées ont besoin (voir la petite chouette chevêche qui ne trouve plus d'endroit où nicher, elle qui affectionne les arbres creux),**ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES

    Elles hébergent tout un cortège  d'espèces.
              et sont sources de "biodiversité".

     

     Avec  la crise énergétique, le retour du chauffage au bois et l'irruption du BRF* dans les pratiques agricoles, les trognes vont peut-être reprendre leur importance d'antan.

    " Face à la déprise agricole, à la paupérisation , à l'abus des pesticides,, à la dégradation du sol, au rouleau compresseur de la mondialisation  et aux changements climatiques qui menacent, nous avons les meilleurs alliés du monde :

    LES ARBRES "  

    Francis Hallé,  botaniste et biologiste amoureux des arbres. Enseignant de nombreuses années à l'Institut botanique de Montpellier, il a mené l'aventure du "Radeau des cîmes, opération Canopée".

     

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    * le BRF. Bois Raméal Fragmenté : il s'agit d'apporter directement au sol de jeunes rameaux de feuillus broyés issus de la taille de haies ou d'élagage.
    Voir l'article de la revue "Terre Vivante" sur le Bois Raméal Fragmenté (BRF)

    ** La chouette chevêche ou Chevêche d'Athéna

     

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    Un texte de Guilaume Lecointre* : trognes en Berry


    "Mes racines se trouvent au cœur du Boischaut berrichon, terroir de bocage si bien conté par Georges Sand ; j’ai passé toute mon enfance au milieu d’arbres surprenants : les trognes, les têteaux en patois local, ces arbres taillés souvent pluricentenaires, fruits d’une longue tradition paysanne d’entretien et d’exploitation. Comme ils font partie intégrante de ce paysage et de la culture locale (encore vivace à l’époque de mon enfance), je n’avais même pas pris la dimension de leur originalité et leur étrangeté.

    Je les ai retrouvés au milieu de certains paysages auvergnats où je vis désormais : Combraille, chaîne des Puys, … Le vrai déclic qui a relancé mon intérêt a été la lecture du superbe ouvrage de D. Mansion, « Les Trognes » : j’ai soudain réalisé leur valeur inestimable et la chance que j’avais eu de vivre au milieu de ces arbres extraordinaires, dignes des Ents dans le Seigneur des Anneaux (Tolkien). Certes, ils restent encore assez nombreux mais les ravages des remembrements successifs et de la « modernitude » ambiante sont passés par là et leurs rangs se sont bien éclaircis, faute notamment de relève et d’entretien. "
       * Guillaume Lecointre,  professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris

     

    ARBRES-TÊTARDS, DRÔLES DE  TROGNES

     

     Le site de l'association française d'agroforesterie (AFA) 

     

     

     


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