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      Une déambulation à travers le coeur ancien de la ville

    de Pont-sur-Yonne :  ce qu'on en sait,  ce qu'il en reste ...

        1a-gravure de Pont

     

     

    Nous avons voulu reprendre un travail effectué  pour la journée du patrimoine du 19 septembre 2004, un parcours découverte que nous avons proposé ce jour-là sous forme d'une promenade à travers la ville.

    Il s'agissait pour nous de faire découvrir non pas un ou plusieurs monuments mais un ensemble architectural comportant des grands monuments classés tels l'église ou le vieux pont mais aussi un patrimoine bâti "mineur", populaire, inscrivant la ville intra-muros dans un environnement naturel minéral (la craie, la tuile, le grès), l'objectif étant de réfléchir ensemble sur l'intérêt de ce patrimoine et comment le préserver et le mettre en valeur.

     

    LES DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES

    La balade était construite autour de deux documents anciens :

    1) la gravure de Claude Chastillon (1560-1616) architecte, ingénieur, topographe au service du roi HenriIV datée du début du XVIIe qui montre une ville entourée de collines, enfermée dans ses remparts, la rivière et un pont en partie détruit.

    2) un relevé topographique de la ville daté de 1684 établi sur l'ordre du Chapitre par Joseph Poitevin arpenteur royal à Sens en vue de la construction d'un nouveau pont.

     

     

    schéma ancien plan Pont8

     

    Le relevé topographique de Joseph Poitevin, très détaillé  mais difficilement lisible  à cause de la taille du document et de l'orthographe des noms de lieux, nous a obligé à établir le calque sélectif ci-dessus (merci à Claude Lorenzato) où l'on peut voir les remparts, avec ses  huit portes en commençant par le nord de la ville : la porte de Paris, la porte du Guichet, la porte du Ravillon, la porte de Gâtinais ou porte d'en haut, la porte des Jardins, la porte du Port, la porte du Bac, la porte du Dauphin. La plus importante est la porte de Paris qui permet de traverser la ville pour aller vers Sens peut-être en contournant l'église  et en empruntant un pont de bois dont on a pas l'exact emplacement sur ce document.  Le pont de pierre  sera construit à cette époque : "un arrêt de 1684 commit le sieur Frémin, trésorier de France, et le  sieur  Libéral Bruant, architecte du roi, pour se transporter à Pont-sur-Yonne visiter l'emplacement du pont à rétablir, faire un devis des ouvrages, pour le reconstruire, soit en bois, soit en pierre" (Recherches historiques sur Pont-sur-Yonne. par l'abbé Horson-Paris- Res Universalis -1993-)


     Monsieur Louis-François BOURY, premier maire de Pont-surYonne, décrit ainsi sa ville en 1816, année de la grande inondation qui, venant des collines, envahit la rue du ravillon, ravagea le centre ville, détruisit plusieurs maisons, inonda l'église et laissa longtemps sa trace dans la mémoire collective.

    "La ville est bâtie toute entière sur la rive gauche (de la rivière) sauf un faubourg qui est sur la rive droite. Mais si du côté de ce faubourg est une vaste plaine, il n'en n'est pas de même du reste de la ville qui occupe les flancs d'une montagne descendant jusqu'aux quais et cette colline est entourée elle-même de sommets plus élevés. L'égout de toutes ces collines se fait par un unique ravin (le ravillon) qui, privé d'eau habituellement, en roule quelquefois des quantités considérables après des pluies persistantes et surtout après des orages. Ce ravin pénètre dans la ville et, devenu une rue, et  bordé de maisons, traverse sous un pont la route nationale de Paris à Chambery, puis après un parcours entre les jardins aboutit à l'Yonne."

     

       

      PREMIERE PARTIE 

     

    L'église et sa place

     

    églisedefLa première campagne de travaux de construction de l'église (édifiée sur un autre église beaucoup plus ancienne), commence en l'an 1162, son édification a continué pendant plus de deux siècles. C'est la première église gothique de France ; la paroisse de Pont-sur-yonne était alors sous le patronage du Chapitre Cathédral de Sens qui en percevait les revenus, il est ple toitrobable que les premiers travaux aient été exécutés par ordre et aux frais du Chapitre (voir visite de l'église par A. Villes).

     

     Le portail a été édifié vers 1230, de cette époque date la vierge du portail, qui cache encore dans l'élégance de ses drapés et dans les feuillages de son socle, des traces de polychromie  (on sait qu'au Moyen Age les monuments étaient entièrement peints, intérieurs et extérieurs). Touchante dans sa simplicité, elle a résisté, on ne sait comment, à la tourmente des guerres et des intempéries. La légende prétend qu'elle fut toujours protégée par les habitants qui l'ont à certaines époques fermement défendue, cachée peut-être, même platrée pour la soustraire au vandalisme.

     

    fresque détailA l'intérieur subsiste dans le bras sud du transept une peinture à  fresque  tristement détériorée : le jugemefresque détailnt dernier. Elle date du XVe siècle,   probablement commanditée en 1450 par le seigneur de Pont St Gilles, Philippe Thibaud en même temps que le tombeau familial monumental, construit sous la fresque et conçu pour abriter les membres de la famille aristocratique du lieu qui avaient participé au fonctionnement de la paroisse. Ce tombeau a été détruit à la révolution et seule reste l'image peinte qui lentement s'efface.

     

    Tous les  murs sont de silex et de mortier, les assises et les contreforts de grès; les piliers, colonnes et arcs sont en pierres calcaires du sud de l'Yonne.

    charpente de la nef

    Les blocs de grès constituent la partie la plus importante de sa construction (en particulier celle de  la tour-clocher) : le grès est très présent sur tout  le territoire de la commune ; dans la forêt de Villemenoche on trouve encore de nombreux mégalithes ainsi que des traces d'ateliers de tailleurs  de pierre. (voir les articles de

    P. Glaizal: les polissoirs et aussi  Balade à la recherche des "roches marquées")

    A l'intérieur de l'église on voit nettement le petit appareillage de craie qui soutient les voûtes. La région de Champagne toute proche, avec les grandes et très anciennes carrières de craie de Michery, de Soucy, de La Postolle a largement contribué à la construction des églises mais également au XIXe siècle à la construction des maisons paysannes de la région. (voir l'article sur les carrières)

     

     

    L'Hotel de Ville

     

    hotel ville et poste rec

     

     

    Sur cette place l'Hôtel de ville fut construit au début du XIXe siècle. Il a été très habilement restauré et transformé par l'architecte Jean-Albert Picarat dans les années 1990. Ont été préservés les deux petits bâtiments encadrant l'entrée de la mairie. Ce bâtiment officiel et symbolique fut agrandi et modernisé sans rien détruire ni nuire au caractère XIXe siècle de l'ensemble.

     

    Sur le plan cadastral de 1812 l'espace devant l'église était encore occupé par une série de maisons qui furent  détruites pour dégager la place du marché au blé qui deviendra bientôt la place Lamy. (Felix Lamy fut Maire de 1858 à 1878)

     

     

     

    L'ancien relais de Poste 

     

    Au 13, rue de l'Ancienne poste, à l'angle de la rue du guichet, l'ancien relais de Poste, construit en 1772 a, au cours des transformations successives qui l'ont affecté (en particulier le revêtement impitoyable de la façade) perdu totalement son identité. Il avait été conçu au XVIIe siècle pour vivre au rythme des malles-poste, des diligences et des coches avec sa grande entrée, son porche pavé, sa cour intérieure et, au fond, ses écuries et ses remises. Et il est resté relais de Poste (poste aux lettres, messageries et poste aux chevaux) pendant un peu plus de cent ans. Placé entre celui de Sens et de Villeneuve-la- Guyard (*) tous les soirs y arrivaient de Paris et de Lyon toutes les nouvelles apportées par les voyageurs, les journaux et les dépêches.

      malle poste rec

     

    La mise en place de la voie ferrée Paris-Lyon le 26 Août 1846 et le développement de la télégraphie vont amener le déclin de l'activité du relais de Pont-sur-Yonne (les relais de Poste seront tous supprimés en 1870).

    En 1879, les bâtiments seront cédé à la Commune. Et c'est ainsi que cette construction, réaménagée et modernisée, deviendra école de garçons pendant plus d'un demi-siècle. 

    En 1956, un nouveau groupe scolaire sortira de terre, tout beau tout neuf et le vieux relais devenu école s'endormira à nouveau pour quelques années (24 ans) jusqu'à ce que l'IFOREP (Institut de Formation de Recherche et de Promotion) vienne réveiller à nouveau ces vieilles pierres. Un bail emphytéotique (de 99ans) conclu avec la Municipalité permettra à l'Iforep de financer des travaux qui contribueront à l'entretien du patrimoine local.

    Soyons satisfaits, le vieux relais est encore là, même si sa rénovation fut plutôt brutale et l'a rendu méconnaissable. Les souvenirs de ceux qui ont fréquenté l'école jusqu'en 1956 sont eux encore bien vivants.

    (*)Sous le règne de Louis XI, vers 1477, les relais de poste étaient distants de 7 lieues soit 28 kms, d’où les fameuses "bottes de 7 lieues "des contes pour enfants. Au XIXe siècle les distances entre les relais de Poste furent réduites  selon les endroits à 3 à 5 lieues soit 12 a 20 kms.

     

     

    La rue des caves

     

    Actuellement rue du Guichet, c'est une des plus anciennes rues qui traverse le village d'Est en Ouest, .de la rivière à la porte du Guichet. Quartier le plus ancien de cette ancienne ville bâtie autour de son église (construite au XIIe et XIIIe siècle) dans une zône calcaire facile à creuser. Jean-Yves Prampart et ses équipes de bénévoles ont effectué dans les années 1983 à 1986 plusieurs recherches dans ce quartier n'hésitant pas (souvent à la demande et à l'aide des habitants du quartier) à creuser, déblayer avec opiniâtreté les caves des maisons de cette rue, profitant parfois des chantiers de travaux communaux (tout-à-l'égout) ou de constructions neuves (ex rue du rempart). Ils y ont découvert de nombreux indices d'occupation ancienne, souvent sur plusieurs niveaux, correspondant à plusieurs époques, ceci jusqu'à 6 ou 8 mètres de profondeur : la découverte de monnaies (un double-tournoi daté de 1585, plusieurs jetons de Nuremberg, 4 double-tournois de Louis XIII datés de 1615 et 1616)  permettent de remonter à coup sûr l'occupation de ces "caves" ou "souterrains" au XVIIe siècle (1)

    Des fouilles plus approfondies auraient sans doute permis de découvrir des souterrains encore plus anciens ayant servi de refuges aux survivants de guerres et de pillages qui ne manquèrent pas en ces périodes troublées des guerres de religion.(2)

    Double-Tournois-Louis-XIV-1644-A---2jetons de nuremberg4

                                                                                                              

    A chaque destruction et reconstruction dans ce quartier de l'église, la découverte de nombreuses caves, couloirs, tranchées, avec des prolongements extrêmement profonds n'a cessé de nourrir l'imaginaire populaire.Tout ancien Pontois est persuadé de l'existence d'un réseau, en partie réel, de chemins souterrains creusés dans la craie, passages secrets reliant le presbytère, l'église et autres édifices allant même jusqu'à relier l'église Notre-Dame  et le prieuré de la Cour Notre-Dame, (ancienne abbaye cistercienne, bâtie sur le territoire de Michery), en passant sous la rivière.

    Légende ou réalité ? Le passage d'un souterrain sous la rivière est hautement improbable, voire impossible (4).

    Malgré cela la légende perdure, "elle est plus forte et plus vraie que le diagnostic de  l'ingénieur...c'est bien la preuve que ces souterrains appartiennent au monde de la légende, mais d'une légende qui veut raconter sous forme symbolique quelques pages vénérables de l'hitoire d'un pays". (3)

     

    (1) bulletins n°6 (année1983) et n°8 (années 1985-86) de la Société archéologique et culturelle de Pont-sur-Yonne

     

    (2) ainsi dans l'ouvrage de l'abbé Horson ( p.30) on peut lire que le 25 novembre 1567... les protestants mirent leurs canons en batterie sur une petite colline couverte de vignes qui domine la ville. Ils eurent promptement fait brèche dans une muraille faible et nouvellement bâtie qui n'avait pas de fossés. ...Malgré une vive résistance des troupes du Duc de Guise aidées de nombre d'habitants énergiques et résolus parmi lesquels beaucoup de bateliers et mariniers, les assaillants passérent au fil de l'épée tous les habitants sans excepter les femmes et les enfants même ceux réfugiés dans l'église.

     

    (3) Pierre Glaizal dans "Les souterrains de l'Yonne, légendes ou réalités?" La Gazette 89 éditions, mars 2009

     

    (4) Pierre Glaizal nous apprend que le premier tunnel subaquatique au monde a été construit sous la Tamise entre 1825 et 1843 et le tunnel  du métro parisien sous la Seine en 1910.

     

     

     

    FIN  DE LA PREMIERE PARTIE

    Dans la deuxième partie nous déambulerons à travers la vieille ville au hasard des rues, évoquant le ravillon, la place du pilori, la rue du château, le vieux cimetière et découvrant les quelques vestiges encore présents. Nous arriverons alors au pont, à la rivière et à ses quais, lieux de très grande activité jusqu'à la moitié du XIXe siècle où l'arrivée du chemin de fer, bouleversera brutalement la vie des pontois.

     


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